Olivier Mouton

Le discrédit d’une N-VA écartelée entre radicaux et pragmatiques

Olivier Mouton Journaliste

La diffusion de vieilles photos du député Jan Jambon participant à une réunion de nostalgiques du Front de l’Est illustre la position très délicate dans laquelle se trouve le parti nationalistes flamand.

C’est un nouveau coup dur pour l’image de la N-VA. On a appris jeudi soir que Jan Jambon, actuel député fédéral et chef de groupe à la Chambre, a tenu en son temps un discours lors de la réunion annuelle du Sint-Marteensfonds, l’amicale des anciens combattants flamands ayant bataillé avec les Nazis au Front de l’Est. Les images de l’événement ont été diffusées par une association d’extrême droite, la NSA, et relayées par l’émission TerZake sur la VRT.

Au moment de ce discours, en 2001, l’homme n’était pas encore entré en politique active, il était président du Vlaams Volksbeweging. Sujet de son exposé: le « jeune mouvement flamand ». Le moment n’était pas innocent: écartelée par la cinquième réforme de l’Etat, la Volksunie était en plein crise interne. A l’issue de celle-ci, la N-VA fut créée par l’actuel ministre flamand Geert Bourgeois en compagnie des plus radicaux du parti. En 2006, Jan Jambon rejoignait la petite formation liée au CD&V juste avant que celle-ci ne vole de ses propres ailes pour devenir le premier parti de Flandre.

La révélation jette un discrédit sur Jan Jambon, spécialiste des questions socio-économiques des nationalistes, ministrable potentiel en cas d’entrée de la N-VA au gouvernement. En 2001, suite à des révélations relatives à sa simple présence lors d’une réunion du Sint-Marteensfonds, le ministre flamand des Affaires intérieures Johan Sauwens (VU) avait été contraint de démissionner. Il faisait partie d’un gouvernement dirigé par le libéral Patrick Dewael, farouche opposant du nationalisme radical.

Mais au-delà de Jambon lui-même, c’est toute la N-VA qui se trouve éclaboussée à un moment délicat de son existence. Le parti nationaliste voit, lentement mais sûrement, le vent tourner contre lui dans les médias flamands. L’incident confirme au grand jour la fracture croissante entre ses ailes pragmatique et radicale.

Longtemps plébiscitée par les sondages depuis la nomination du gouvernement Di Rupo, la N-VA voit sa cote s’éroder au moment où elle est appelée à choisir ouvertement entre sa volonté de gouverner (y compris à l’échelon fédéral) et son jusqu’au-boutisme confédéral, entre son noyau dur d’électeurs nationalistes et ceux qui l’ont rejoint pas pure protestation.

La divulgation de ses images par la NSA, groupuscule néonazi, est révélatrice. Le mouvement proteste de la sorte contre l’attitude du bourgmestre d’Anvers et président de la N-VA Bart De Wever qui a interdit une de ses manifestations le 1er mai dernier après l’avoir dans un premier temps autorisée. Le coordinateur du mouvement, Eddy Hermy, dit regretter la façon dont la N-VA se comporte désormais « au coeur du système d’Etat belge ». Les plus radicaux s’inquiètent en outre de la volte-face récente du parti se disant désormais prêt à rentrer dans un gouvernement d’urgence socio-économique au fédéral en reportant à des discussions ultérieures ses thèses confédérales.

Confrontée aux (parfois dures) réalités du pouvoir, la N-VA ne cesse en outre, pour le moment, d’être secouée par des crises et des dissensions internes dans les communes où elle est arrivée au pouvoir. Une trentaine d’élus locaux ont déjà quitté le parti pour protester contre les « diktats imposés depuis Bruxelles ». Le signe d’une crise de croissance au sein d’une formation ayant littéralement explosé sur le plan électoral en cinq années à peine.

La position même de Bart De Wever n’est plus de nature à apaiser la N-VA. Son leader incontestable a fort à faire à Anvers, il est visiblement las des combats politiques, vient d’accompagner son épouse hospitalisée pour de sérieux ennuis de santé et tarde à se prononcer dans la perspective du scrutin décisif du 25 mai 2014. Sera-t-il candidat Premier ministre? Ministre-président flamand en puissance? Ou préférera-t-il le confort tout relatif de la ville qu’il dirige? Son choix risque de s’avérer décisif pour la santé de son parti.

En attendant, la N-VA, malmenée, va tenter de rebondir. La semaine prochaine, elle présentera les premiers textes du congrès de fin janvier appelé à définir sa vision du confédéralisme. Une volonté de revenir sur le fond des dossiers et de reprendre l’agenda politique en mains. A l’heure où le discrédit risque de briser durablement sa popularité.

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