Kris Peeters, Charles Michel et Jan Jambon © BELGA

« Le discours sur l’allongement du temps de travail, c’est de la foutaise »

Jan Herregods

Que les partenaires sociaux semblent obtenir un accord à propos de la prépension n’arrange pas la N-VA, estime le politologue Dave Sinardet de l’Université d’Anvers et de la VUB.

Vous écrivez que certains partis du gouvernement regrettent le temps où les syndicats et les employés ne concluaient pas d’accords. Que voulez-vous dire par là ?

Si les partenaires sociaux s’entendent pour atténuer certaines mesures du gouvernement, c’est évidemment moins agréable pour les partis qui accordent de l’importance à ces mesures. Dans le gouvernement fédéral, l’opposition entre le contenu et la procédure coïncide avec une ligne de rupture entre le CD&V d’un côté et de la N-VA et de l’Open VLD de l’autre. Non seulement l’activation des prépensionnés est la marotte de l’Open VLD et de la N-VA, mais ces partis sont aussi les moins attachés au système de concertation sociale que nous connaissons aujourd’hui. Il y a déjà eu des tensions au sein du gouvernement quand Kris Peeters a voulu faire des concessions aux partenaires sociaux, notamment à propos d’une augmentation des indemnités de chômage.

La députée N-VA, Zuhal Demir, a déclaré récemment au magazine Knack que depuis vingt ans la concertation sociale n’avait plus abouti à rien. Après un début pénible, elle semble à présent fonctionner. Pour quelle raison ?

Paradoxalement, la N-VA a intérêt à ce qu’il n’y ait pas d’accords. Le gouvernement pourra alors incriminer la faible plus-value de la concertation sociale. Cependant, maintenant elle semble fonctionner. Dans ce dossier il y en tout cas un consensus entre les syndicats et les employeurs sur la quasi-impossibilité d’activer les employés d’un certain âge dans l’état actuel du marché du travail. En outre, un bon climat social bénéficie également aux employeurs. Et une concession accordée maintenant peut être utilisée pour d’autres discussions, notamment à propos des salaires.

Que nous dit la situation actuelle sur les projets d’activation annoncés par le gouvernement?

Elle montre qu’il est difficile de faire concorder le discours avec la réalité. Il y a un consensus au sein du gouvernement qu’il faudra travailler plus longtemps. Mais maintenant on voit que les syndicats et employeurs admettent implicitement qu’il n’y a pas de place sur le marché du travail pour toute une catégorie de chômeurs d’un certain âge. Si le gouvernement valide cet accord, elle consent implicitement à cette analyse, et c’est probablement le cas.

Il faut alors, soit prendre des mesures sérieuses pour réformer le marché du travail de façon à créer des opportunités pour les employés d’un certain âge, soit admettre que le discours sur l’allongement du temps de travail est de la foutaise. Dans ce contexte, où on n’arrive même pas à activer de nombreux sexagénaires, il n’était pas très malin de la part du gouvernement de se mettre à parler de travailler jusqu’à 67 ans. Cette proposition a choqué beaucoup de gens ».

Ce lundi, le quotidien de Tijd écrivait que la N-VA perdait bataille après bataille. Comment se fait-il que ce parti marque aussi peu de points?

« Le parti a promis un certain nombre de grands changements qui ne se réalisent pas. Le processus décisionnel est en effet complexe : il y a la concertation sociale, mais aussi le contexte européen et international, etc. Récemment, les nationalistes flamands ont tout de même réussi à se profiler en matière de sécurité et un double sondage a révélé que ce sujet a boosté la popularité des partis du gouvernement. Mais quand celui-ci s’atténuera, l’attention se tournera peut-être à nouveau vers les dossiers socio-économiques. Le tax shift s’avérera un test important pour la capacité de ce gouvernement à lancer de véritables réformes considérées comme justes et sensées par un grand nombre de personnes ».

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