Joëlle Milquet © BELGA

Le décret « fourre-tout » de Milquet approuvé en commission du Parlement

Après plus de deux mois d’imbroglio politico-juridique, la commission Education du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a finalement approuvé mardi soir le projet de décret « fourre-tout » de la ministre Joëlle Milquet introduisant une série de dispositions nouvelles dans le système éducatif.

Ce texte, l’un des plus importants adoptés depuis le début de la législature, a été approuvé par la majorité PS-cdH. L’opposition MR s’est abstenue. Il devrait être définitivement validé en séance plénière du Parlement d’ici quinze jours.

Le décret vise notamment à mieux lutter contre l’échec scolaire et améliorer la formation continuée des enseignants. Il renforce aussi la gouvernance des établissements scolaires. Ainsi, pour la rentrée de septembre 2018 au plus tard, chaque école primaire comme secondaire devra élaborer un « plan de pilotage » pour une période de six ans.

Elle y détaillera ses stratégies pour la réussite de chaque élève, la lutte contre le décrochage scolaire, l’accompagnement des nouveaux professeurs, l’intégration des outils numériques, etc.

Le document contiendra aussi des objectifs chiffrés (gardés confidentiels) de réduction du taux d’échec et de décrochage, de réussite aux épreuves certificatives, etc.

Face à la bronca de l’ensemble des pouvoirs organisateurs en novembre dernier et les remarques du Conseil d’Etat formulées la semaine dernière, la ministre de l’Education a toutefois dû faire quelque peu marche arrière concernant le pilotage des écoles jugées nettement « sous-performantes ».

Contrairement au projet initial du décret, l’administration de l’enseignement ne pourra pas assigner des objectifs spécifiques à ces écoles et leur imposer des mesures prioritaires d’accompagnement, une mesure dans laquelle les pouvoirs organisateurs avaient vu une volonté de « pouvoirs spéciaux » dans le chef du gouvernement.

Les dispositions finalement adoptées mardi donnent moins de pouvoir que prévu à l’administration.

Si celle adressera bien un diagnostic de (sous)performance aux écoles concernées, c’est toutefois le directeur d’établissement qui rédigera son « dispositif de rattrapage », en accord avec son pouvoir organisateur.

Ce dispositif de rattrapage sera inclus dans un « protocole de collaboration » conclu avec l’administration. L’inspection de l’enseignement pourra toutefois demander des adaptations au dispositif élaboré par ces écoles.

« C’est une réforme historique », a assuré mardi la ministre Milquet devant les députés. « On n’a pas le droit de laisser des enfants dans des établissements qui dysfonctionnent à ce point-là! », a-t-elle défendu.

Autre nouveauté: le décret prévoit la création de balises pédagogiques propres à l’enseignement maternel, jugé capital pour l’acquisition d’une série de compétences indispensables -la bonne maîtrise de la langue française notamment- pour la suite du parcours scolaire.

Le texte donne en outre plus de latitude à l’administration pour sanctionner à l’avenir les profs qui, par leur comportement ou leurs propos, porteraient « gravement atteinte » à la confiance dans l’enseignement.

Sont plus particulièrement visés des propos radicaux ou extrémistes que des enseignants tiendraient publiquement en dehors du cadre de l’école, sur les réseaux sociaux notamment.

Conséquence directe de l’affaire Yacob Mahi, ce professeur de religion islamique de l’athénée Leonardo Da Vinci (Anderlecht) qui avait tenu des propos révisionnistes il y a un an, le nouveau texte permet également au ministre de sanctionner des professeurs de religion de l’enseignement du réseau de la Fédération avec le simple avis -et non plus l’accord- de leur chef de culte, comme cela se fait déjà dans l’enseignement subventionné.

L’opposition MR s’est abstenue lors du vote sur l’ensemble du texte, dénonçant notamment les nouvelles modalités de pilotage des écoles.

« Ce texte va encore complexifier le travail des directions d’école en multipliant les obligations de rédactions de plans. Pourquoi imposer à toutes les écoles ces règles lourdes, même à celles qui fonctionnent bien? », s’est interrogé Laurent Henquet.

« On impose via ce décret de nouvelles contraintes aux écoles mais sans dégager de moyens complémentaires pour le mettre efficacement en oeuvre », a-t-il déploré.

Au nom d’Ecolo, Barbara Trachte a, elle, regretté que ce décret soit adopté sans attendre les conclusions du Pacte pour un enseignement d’excellence lancé l’an dernier par la ministre avec les acteurs de l’enseignement.

Elle a aussi dénoncé que l’école soit dorénavant évaluée à l’aune d’indicateurs de performance, à l’image de ce qui se fait dans le monde de l’entreprise. Selon elle, tous les pays qui ont suivi cette voie par le passé déchantent à présent.

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