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Le cri de deux juges :  » N’ouvrez pas l’espace Schengen ! « 

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le premier est belge. Le second vient d’un pays de l’Est, gangrené par la mafia russe. Son histoire est ahurissante. A deux, ils ont écrit un roman pour nous prévenir de ne pas élargir l’espace Schengen.


Voir sa fille assassinée, juste à côté de soi, à cause du métier qu’on exerce avec intégrité… C’est arrivé à Alain-Charles Faidherbe. Ce magistrat a dû changer de nom en se réfugiant en Belgique. Il vivait dans un pays d’Europe centrale, situé à moins de deux heures d’avion de Bruxelles, membre de l’Union européenne et candidat à l’intégration de l’espace Schengen. Un pays dont il préfère encore taire le nom, pour des raisons de sécurité, même treize ans après l’avoir fui. Un pays rongé par la corruption, à tous les étages de l’appareil d’Etat, et où la mafia russe a pris le relais des tyrans communistes.

Visé, lui et sa famille, par la mafia, il a trouvé refuge à l’ambassade de Belgique avant d’être exfiltrés vers Bruxelles. C’est ainsi qu’Alain-Charles Faidherbe et le juge d’instruction bruxellois Michel Claise, spécialisé dans la lutte contre la criminalité en col blanc, se sont rencontrés. « Lorsqu’il m’a raconté son histoire, j’étais glacé, se souvient Michel Claise. L’idée d’écrire un livre ensemble est vite apparue comme une nécessité. Les noms de personnes et de lieux ont été rendus anonymes. Mais les faits sont rigoureusement authentiques. » Même la rencontre amicale, il y a une quinzaine d’années, entre le ministre de la Justice et un responsable de la mafia russe placé sur écoute.

La nécessité du livre : rien n’a changé dans ce pays corrompu. Au contraire. « Il suffit d’interroger les membres du parquet de Bruxelles qui se rendent régulièrement dans ce pays lors de missions de coopération, avance le magistrat exilé. Ils m’ont décrit le luxe des villas de leurs homologues étrangers. Un luxe qu’un salaire de juge ne permet pas. Très loin de là. » Et Michel Claise d’abonder : « Selon moi, laisser entrer cet Etat au sein de l’Union européenne, c’était déjà très risqué, car on a créé un couloir avec les mafias de l’Est. Mais élargir les frontières policières de l’espace Schengen à ce pays serait catastrophique. Ce serait ouvrir une boîte de Pandore. »

Le cri d’alarme est lancé. La liste des concernés est courte. Seuls deux pays de l’ancien bloc de l’Est, membres de l’UE, frappent avec insistance à la porte de la forteresse Schengen : la Bulgarie et la Roumanie. Pour l’instant, les évaluations européennes sur l’évolution de la corruption dans ces Etats restent négatives. « Mais jusqu’à quand ? » s’interroge le juge Claise, qui affirme que le pays visé est plus corrompu encore que la Grèce mais qu’il n’attire pas autant l’oeil des médias. Le livre Les poches cousues (éditions Luce Wilquin), écrit à quatre mains, est donc un ouvrage à portée politique. Les auteurs espèrent que les responsables politiques, au sein de la capitale européenne, seront sensibles à l’histoire de Faidherbe et y verront, au-delà de sa forme romancée, un sérieux avertissement.

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