Olivier Mouton

Le coup de génie politique du CD&V et du MR, pour exister

Olivier Mouton Journaliste

C’est ce qui s’appelle un beau coup politique en ce début de campagne. CD&V et MR font passer un message commun par-delà la frontière linguistique et les sensibilités politiques. Pour ne pas laisser PS et N-VA mobiliser le débat.

Il serait hypocrite de ne pas le reconnaître: ce week-end, CD&V et MR ont réussi un beau coup de communication politique. Peut-être le premier d’une campagne qui démarre sur les chapeaux de roue, à quatre mois des élections. Surprenant tout le monde, les présidents Wouter Beke et Charles Michel ont exprimé un message commun par-delà la frontière linguistique et les sensibilités politiques. C’est inédit dans l’histoire du fédéralisme belge.

Sur le fond, rien de très original, pourtant. Les deux partis répètent une ligne globalement partagée par toutes les formations traditionnelles face à la N-VA. En clair? Les priorités de la prochaine législature seront de deux ordres: la concrétisation de la sixième réforme de l’État, qui requiert encore un fastidieux travail de transferts de fonctionnaires en accords de coopération, et la réalisation de réformes socio-économiques, à commencer par la fiscalité.

Sur la forme, c’est un coup de génie. Depuis quelques semaines, PS et N-VA avaient réussi à mobiliser la communication en affirmant tous deux que le scrutin du 25 mai s’apparentait aux choix d’un modèle de société: la protection rassurante socialiste francophone ou l’aventure du changement nationaliste flamand. Une façon de présenter Elio Di Rupo comme sauveur du pays et Bart De Wever comme le chantre d’une Flandre en quête d’autre chose. En s’opposant de façon caricaturale, bien que sincère, les deux partis se renforcent l’un l’autre. Des alliés objectifs.

En s’exprimant de concert, Michel et Beke rappellent avant tout qu’ils existent. « Nous n’autoriserons pas PS et N-VA à nous faire taire », disait en substance Charles Michel lors de la présentation de ses voeux. Voilà qui est fait, de belle manière, avec un discours de contenu même s’il ne casse pas trois pattes à un canard.

La preuve qu’il s’agit d’un beau coup? Tous les partis ont été forcés de se positionner face à cette « alliance » d’un type nouveau, que ce soit une N-VA irritée ou un CDH franchement fâché. Ce lien politique affiché brouille des pistes et préfigure peut-être un autre moteur pour une future majorité fédérale.

Cela dit, ne soyons pas dupes non plus.

Ce « lien politique » entre CD&V et MR ne surpasse pas les relations privilégiées avec leurs partis frères. Charles Michel et Wouter Beke se sont empressés de le préciser pour ne pas heurter de front Gwendolyn Rutten (Open VLD) et Benoît Lutgen (CDH). Il ne modifie pas fondamentalement la donne pour mai prochain: le CD&V sera bien le parti pivot en Flandre, mais il dépendra de la hauteur du score de la N-VA avec laquelle il pourrait participer, tandis que le MR ne pourra sans doute compter que sur lui-même et sur une progression pour défier le PS.

Paradoxalement, la com’ intelligente de Michel et Beke pourrait même se retourner contre leurs auteurs. Dans un contexte de défiance à l’égard de la politique, le machiavélique Bart De Wever affirme qu’ils démontrent la volonté des partis traditionnels de s’accrocher au pouvoir. Du côté francophone, on affirme que le MR « se sert du CD&V comme marche-pied pour une future alliance avec la N-VA ».

Impossible de prédire l’effet que pourrait avoir cette sortie commune sur les électeurs, pour autant qu’il y en ait un. Mais à l’heure où la politique ronronne trop souvent, cette prise de risque teintée de sens de l’État mérite de ne pas être passée sous silence.

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