Olivier Mouton

Le contrôle des jeunes chômeurs: une nécessité, mal préparée

Olivier Mouton Journaliste

La volonté d’accompagner les étudiants dans la quête d’un emploi part d’une bonne intention. Mais le plan manque de cohérence est n’est pas sans cynisme.

Pour la plupart des jeunes qui sortent des études, c’est souvent le grand frisson, la grande incertitude. La quête d’un emploi relève du parcours du combattant et les chiffres ont de quoi préoccuper: en Belgique, un jeune sur cinq n’a pas trouvé de travail avant 25 ans, le pourcentage s’élevant même à quelque 35% en Région bruxelloise.

En guise de réaction, le gouvernement fédéral a décidé d’un accompagnement et d’un contrôle plus poussés des jeunes demandeurs d’emploi, dont la mise en oeuvre est effective depuis cette semaine. Jusqu’ici, le parcours était le suivant: une inscription à l’Onem, un stage d’insertion d’un an, avant de pouvoir bénéficier des allocations de chômage. Point barre. Désormais, durant cette année, les jeunes devront, comme leurs aînés, prouver qu’ils recherchent activement un emploi, qu’ils répondent aux sollicitations dont ils sont l’objet… Contrôles à la clé: s’ils ne peuvent le démontrer, ils n’auront pas droit aux allocations de chômage à l’issue du stage d’insertion. Au 1er janvier 2015, quelque 55.000 jeunes seront potentiellement concernés, dont 35.000 en Wallonie.

Sur le principe, comment s’opposer à la volonté de mieux accompagner dans leurs démarches des étudiants, souvent démunis face au monde professionnel? Comment même ne pas souscrire à l’idée de prévoir des sanctions face aux âmes récalcitrantes, parfois désireuses de poursuivre aussi longtemps que possible une vie confortable loin des dures contraintes de la réalité? Oui, un tel processus est nécessaire, voire indispensable, a fortiori dans un monde aussi compétitif que le nôtre.

Sur le fond, par contre, la démarche est incomplète et incohérente. L’accompagnement et le contrôle sont encore confiés à des organismes différents, l’Onem et le Forem wallon ou l’Actiris bruxellois. Il n’y a pas encore eu de vraie réflexion sur la constitution de « pôles emplois » comme en France et pour cause: ce ne sera possible qu’après le transfert effectif aux Régions des nouvelles compétences issues de la sixième réforme de l’Etat. On a mis la charrue avant les boeufs, donc. C’est d’autant plus vrai que la révolution culturelle de notre enseignement, appelé à être plus en phase avec les besoins du monde de l’entreprise sans renoncer à sa mission d’éducation citoyenne, n’en est qu’à ses premiers balbutiements. Enfin, notre pays reste l’un de ceux où le taux de créations d’entreprises reste le plus faible d’Europe. Il reste une série de mesures à prendre pour encourager les jeunes à se lancer dans l’aventure de l’entreprenariat, à sécuriser leurs démarches, à leur donner tout simplement confiance en eux et en leurs idées.

Incomplète, incohérente, la réforme initiée par le gouvernement Di Rupo est en outre hypocrite. Car l’objectif caché est, aussi, celui d’un transfert budgétaire que dénoncent les syndicats. Les jeunes qui ne bénéficieront pas de leurs allocations de chômage à l’issue de la période probatoire d’un an seront, pour bon nombre d’entre eux, réorientés vers d’autres types d’assistance sociale. En clair: vers les CPAS. Du fédéral, la charge du chômage des jeunes passera donc aux pouvoirs locaux et, indirectement, aux Régions wallonne et bruxelloise. C’est évidemment tout l’objet de la responsabilisation voulue par la réforme de l’Etat, mais cela risque de peser lourd pour des communes déjà étranglées.

Accompagner, contrôler? Oui. Pour autant que l’ensemble des pouvoirs publics mettent réellement tout en oeuvre pour contrer le fléau du chômage des jeunes et doper l’esprit d’entreprise.

Ce doit une des priorités évidentes de la prochaine législature. Sachant que des partis comme la N-VA veulent pousser plus loin encore la logique: limitation des allocations de chômage dans le temps (deux ans), contrôle renforcé via les CPAS… Le bâton est peut-être nécessaire, mais il reste bien du travail à accomplir pour rendre la carotte attractive. Pour construire une société donnant davantage de perspectives à sa jeunesse.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire