Marc Cools © Belga

Le Conseil de l’Europe appelle la Flandre à respecter la démocratie

Le Vif

Dans une recommandation votée, jeudi, contre la volonté de notre représentant flamand, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe invite la Belgique à supprimer le système de nomination des bourgmestres de la périphérie bruxelloise par la tutelle flamande. Et à permettre l’usage du français et du néerlandais, lors des assemblées locales, par le bourgmestre, les échevins, conseillers communaux et la population. Un nouveau coup de semonce pour la Flandre. Le député Marc Cools (MR), représentant belge au Conseil de l’Europe, se dit « sans illusion à court terme ».

Le vote a été acquis par 77 oui, 8 non et 6 abstentions, à la chambre des pouvoirs locaux du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Mais le vote engage l’ensemble du Congrès. Les trois députés belges étaient présents: Marc Cools (MR) et Jean-Paul Bastin (CDH) ont approuvé le rapport. Luc Martens (CD&V) a voté contre, après avoir vainement demandé un report du vote au mois de mars 2018, estimant inacceptable le fait que l’un des deux rapporteurs soit un Suisse francophone.

« Luc Martens est encore revenu avec cette affaire de soldats flamands humiliés par les ordres de supérieurs francophones dans les tranchées de 14-18… », soupire Marc Cools.

2003, 2008, 2014, 2017 : les recommandations non contraignantes, de cette instance internationale se succèdent, sans que rien ne bouge en Belgique. Les gouvernements fédéraux successifs invoquent « un problème purement flamand ». Et les autorités du nord du pays avancent le principe de territorialité et notre « complexité institutionnelle bâtie sur de subtils équilibres » pour laisser les choses en l’état.

Cette recommandation résulte de la dernière mission d’enquête menée, en février, en Belgique, par les rapporteurs suédois, Henrik Hammar, et suisse, David Eray.

Cette mission d’enquête était doublement motivée : par les refus répétés de la tutelle flamande de nommer Damien Thiéry (MR) bourgmestre de Linkebeek, au motif qu’il avait enfreint les circulaires flamandes lors de l’envoi de convocations électorales dans la langue de l’électeur. Et par la plainte déposée, en mai 2015, par six élus locaux Défi de la périphérie qui se voyaient interdire l’usage d’une autre langue que le néerlandais lors des conseils communaux.

La nomination des bourgmestres de la périphérie est régie par une loi spéciale de 2012, intégrée à la VIè réforme de l’Etat. Cette loi prévoit que le bourgmestre désigné par le conseil communal doit encore être nommé par le ministre flamand de l’Administration intérieure, en l’occurrence Liesbeth Homans (N-VA). Avec recours possible devant l’assemblée générale bilingue du Conseil d’Etat, en cas de refus de nomination.

« Cette forme de validation, estime le Congrès, pourrait constituer, dans certains cas, un contrôle disproportionné des collectivités locales par le gouvernement régional flamand et une violation de l’esprit du préambule et des articles 4 et 8.3 de la Charte de l’autonomie locale (que la Belgique a ratifiée avec réserves, ndlr). »

« La recommandation du Conseil de l’Europe est particulièrement équilibrée, plaide Marc Cools, elle ne demande pas de modifier la Constitution ni les lois linguistiques belges, elle demande que les bourgmestres des communes à facilités soient élus soit par les citoyens, soit par le conseil communal. Ce qui impliquerait une modification de la législation flamande. Et que Mme Homans agisse comme a agi la tutelle nationale durant quarante ans : prendre acte, comme un notaire, de la désignation du bourgmestre par le conseil communal. »

Notons qu’à Linkebeek, Damien Thiéry, encore réélu par la population et redésigné bourgmestre par le conseil communal, en 2016, a finalement, après moult péripéties, cédé l’écharpe mayorale à l’échevine Valérie Geeurickx, qui, elle, a été nommée par la ministre Homans.

« On a trahi le compromis constitutionnel des années 60 »

Concernant l’utilisation du français dans les conseils communaux, « cette impossibilité juridique, indique le Congrès, pour les élus locaux de ces communes, dont les résidents sont majoritairement francophones, constitue une limitation indue de leur capacité et de leur droit de participer effectivement aux réunions et décisions de tels organes et donc représente une violation de l’exercice de la démocratie locale et, plus généralement, cela rend impossible aux résidents exclusivement francophones de suivre les activités du conseil local. »

Le Congrès invite donc les autorités belges à réviser les modalités d’application des lois linguistiques dans les communes à facilités, afin de permettre l’usage du français et du néerlandais par les conseillers communaux , le bourgmestre et les échevins lors des assemblées communales et dans les autres organes locaux.

« Nous demandons simplement, embraie Marc Cools, ce qui a été fait pendant plus de 40 ans, quand la tutelle des communes était exercée par le gouvernement national : que chacun puisse parler français ou néerlandais dans les conseils communaux. Il est regrettable qu’on ait trahi le compromis constitutionnel du début des années 60, instaurant les facilités linguistiques. »

Notons encore, à cet égard, qu’un arrêt de la Cour constitutionnelle de 1998 (alors Cour d’arbitrage), que la Flandre refuse d’appliquer, stipule que l’usage du néerlandais n’est imposé, dans les communes à facilités, qu’au bourgmestre et échevins, lors des conseils communaux. La Flandre ne reconnaît théoriquement qu’aux seuls citoyens la possibilité de parler le français au conseil communal et dans les organes participatifs locaux. Mais comme les délibérations et décisions prises ensuite par les officiels ne peuvent se prendre qu’en néerlandais, le contenu de ces décisions échappe aux citoyens ne maîtrisant pas le néerlandais

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Michelle Lamensch

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