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Concours en médecine: le Conseil d’Etat juge les quotas fédéraux illégaux

Le Conseil d’Etat a suspendu mardi le nouveau système de sélection aux études de médecine et dentisterie pratiqué depuis cette année en Fédération Wallonie-Bruxelles pour répondre au contingentement fédéral de praticiens, lui aussi remis en cause par la haute juridiction.

Saisi par une dizaine d’étudiants de l’université de Namur qui ont réussi leur 1re année de médecine mais raté le concours de sélection, le Conseil d’Etat a invalidé mardi le quota de 605 étudiants autorisés à passer en 2e bachelier. Motif: le contingentement fédéral de médecins auquel il entend répondre est basé sur des données non-précises, estime le Conseil d’Etat, ravivant ainsi la polémique nord-sud sur les besoins médicaux en Belgique.

En août 2015, malgré l’absence d’évaluation précise de la commission de planification de l’offre médicale, la ministre de la Santé, Maggie De Block avait décidé de maintenir à 1.230 le nombre de nouveaux praticiens autorisés en 2021, soit l’année théorique d’obtention de diplômes pour les étudiants de 1re inscrits en 2015-2016.

Mais pour le Conseil d’Etat, ce chiffre de 1.230 n’est pas suffisamment fondé, puisqu’il ne s’appuie sur aucune donnée précise. Conséquence: si le contingentement fédéral est arbitraire, le quota d’étudiants décidé par la Fédération pour s’y conformer l’est par ricochet tout autant.

« La conséquence de cet arrêt, c’est que le classement au concours de médecine est suspendu », analyse Me Aurélie Kettels, avocate des étudiants namurois. « La seule solution à présent, c’est de laisser accéder tous les étudiants qui ont réussi leur première année (c’est-à-dire qui y ont acquis au moins 45 des 60 crédits, ndlr) à la deuxième année. Car revoir le quota d’étudiants admis a posteriori serait illégal! « .

Fin juin dernier, 1.244 étudiants en 1re année de médecine et de dentisterie ont présenté le concours, dont 787 l’ont réussi en première session. Les autres auront encore la seconde session de septembre pour se rattraper.

Interrogé, le cabinet du ministre Jean-Claude Marcourt disait examiner l’arrêt du Conseil d’Etat pour « y répondre au mieux, mais une bonne part de la solution échappe au ressort de la Fédération Wallonie-Bruxelles », y faisait-on valoir en pointant vers la ministre Maggie De Block.

« Le concours en soi n’est pas jugé illégal par l’arrêt. Celui-ci a pour effet de suspendre le classement pour neuf étudiants », soulignait le cabinet pour qui les conséquences précises de l’arrêt doivent encore être déterminées.

La décision rendue en plein milieu des vacances scolaires jette en effet un trouble sur la prochaine rentrée académique en 2e bachelier médecine et dentisterie, et sur le nombre précis d’étudiants qui seront finalement autorisés à y accéder.

La tenue du « concours-boucherie » en juin dernier avait déjà mis ces étudiants sur les nerfs, 255 d’entre eux ayant réussi leur année mais pas le concours.

Dans un communiqué, le comité inter-universitaire des étudiants en médecine (CIUM) s’est félicité de l’arrêt rendu mardi par le Conseil d’Etat.

Il a annoncé dans la foulée sa décision d’entamer une action en justice pour faire abroger le contingentement fédéral de médecins, cette « épée de Damoclès menaçant des milliers d’étudiants alors même qu’une pénurie de médecins est objectivée et que l’immportation de médecins étrangers n’a jamais été aussi grande ».

Dans un souci de limitation des dépenses en soins de santé, la Belgique applique depuis bientôt vingt ans une limitation du nombre de praticiens. Pour se conformer à ce contingentement, la Flandre a rapidement introduit un examen d’entrée aux études de médecine, toujours d’application.

La Communauté française a, elle, d’abord instauré un concours en fin de 3e année (d’application jusqu’en 2003), puis en fin de 1re année déjà, et ce jusqu’à ce que le mécanisme soit invalidé par le Conseil d’Etat en 2008. Depuis lors, plus aucune limitation d’accès ne fut imposée, au grand mécontentement de la Flandre.

Fin 2014, sous pression de la ministre fédérale de la Santé Maggie De Block qui menaçait de ne plus délivrer de numéros Inami aux jeunes médecins francophones, la Fédération Wallonie-Bruxelles avait consenti à contre-coeur à restaurer un filtre aux études de médecine organisé en fin de 1re bachelier.

Depuis lors, le bras-de-fer entre Jean-Claude Marcourt et Maggie De Block n’a pas faibli, cette dernière ayant annoncé de volonté de ne régulariser la délivrance des numéros Inami que lorsque le concours francophone aurait démontré sa pleine efficacité…

Contacté mardi soir, la cabinet De Block ne s’estimait pas visé par le Conseil d’Etat.

« Pour nous, le problème n’a rien à voir avec le fédéral, mais avec la manière dont le décision a été rédigée par le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ».

La Fédération des Etudiants Francophones satisfaite

La Fédération des Etudiants Francophones (FEF) se dit satisfaite de l’arrêt du Conseil d’Etat jugeant les quotas fédéraux illégaux. La FEF attend maintenant « des décisions courageuses et responsables » de la part de la ministre fédérale de la santé publique Maggie De Block (Open VLD) et du ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelle pour l’Enseignement supérieur, Jean-Claude Marcourt (PS).

Le verdict est applaudi par la FEF qui « ne cesse de marteler que le contingentement fédéral aggrave la pénurie de médecins », indique la fédération dans un communiqué diffusé mardi soir. « La FEF rappelle qu’il est absurde de réduire l’accès à des études menant à un métier pourtant en pénurie en Fédération Wallonie-Bruxelles et récemment reconnu comme tel par le Forem! Plus d’une commune sur deux manque de généralistes et, d’ici dix ans, seuls la moitié des médecins retraités seront remplacés », peut-on lire dans le communiqué.

Les étudiants francophones souhaitent voir le système « réformé afin d’offrir des soins de santé de qualité accessible à tous ». Ils appellent Mme De Block à « supprimer le contingentement fédéral et à réfléchir à une planification alternative ».

« Il serait inacceptable de reporter la sélection sur les étudiants en cours de cursus aujourd’hui. Il est temps que les étudiants ne soient plus victimes d’un système qui est tout aussi injuste que dangereux pour nos soins de santé », conclut la réaction des étudiants.

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