Carl Devos

Le chagrin de Di Rupo Ier

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

La population retient surtout que les partis de la majorité fédérale se mettent continuellement des bâtons dans les roues.

Le gouvernement fédéral a- t-il pris les bonnes décisions en matière de budget et de relance ? La question est au centre de tous les débats. Mais on se demande beaucoup moins si Di Rupo Ier a réussi à regagner l’adhésion des électeurs. Alexander De Croo (Open VLD) comme Caroline Gennez (SP.A) estimaient que ce budget permettrait au gouvernement de prendre un nouveau départ. Aux yeux de nombreux Flamands, c’est l’inverse qui s’est produit. La prestation du gouvernement fédéral fut médiocre. Du coup, le modèle belge n’en est pas sorti grandi.

La réplique passionnée, à la Chambre, du Premier ministre aux critiques prévisibles de l’opposition restera dans les mémoires. Mais le fait que ce budget ait atteint ses objectifs en ces temps de vaches maigres, sans mesures prises à la hussarde, n’a pas convaincu nos concitoyens, alors qu’il a forcé le respect à l’étranger. Pourtant, le nouveau budget ne diffère pas du précédent. Il repose sur un compromis traditionnel à la belge, semblable à de nombreux accords conclus dans les exécutifs régionaux. Le budget de l’exécutif flamand n’est pas plus « visionnaire » que celui du fédéral. Mais celui-ci a le malheur de se trouver là où tombent les coups ; il souffre d’un problème d’image. Les autorités fédérales en sont responsables : pendant des semaines, tous les partis n’ont cessé d’étaler leurs tabous sur la place publique. Qui plus est, le Premier ministre a fait fuiter trois scénarios pour mettre les partenaires de la coalition au pied du mur. Que certains aient pu se prévaloir de leur capacité à torpiller les propositions des autres a grandement contribué à ternir la réputation de l’exécutif. Ainsi, la liste des veto prononcés était plus importante que celle, déjà très fournie, des mesures effectivement prises. Or beaucoup de pistes finalement abandonnées auraient suscité une vive opposition dans la population si elles avaient été suivies. Mais cela ne compte guère dans une démocratie qui carbure à la dramatisation. Ce que les gens retiennent, c’est l’image de partis qui se mettent des bâtons dans les roues et ne peuvent aboutir à des résultats qu’en se rangeant derrière le plus grand dénominateur commun. Les décisions méritoires perdent ainsi de leur éclat. Ce gouvernement est meilleur qu’il ne paraît, mais les partis de la majorité se dévalorisent faute de confiance en eux-mêmes. Le CD&V et l’Open VLD ont la trouille de la N-VA, les partis francophones lorgnent anxieusement 2014 et la bataille ouverte – due à la nouvelle amourette CDH/MR – pour le pouvoir en Wallonie et à Bruxelles. La majorité fédérale fait donc le contraire de ce qu’elle avait promis : prendre des décisions fermes sans faire trop de déclarations tout en témoignant d’un vigoureux esprit d’équipe.

Elio Di Rupo misait sur un peu d’indulgence en prononçant son discours à la Chambre : son gouvernement n’a-t-il pas accompli ce que la nécessité lui commandait de faire tout en ne quittant pas le cadre de ce qui était « faisable », compte tenu des dissensions entre les six partis et entre le Nord et le Sud ? Mais il a mis le ballon dans le camp de la N-VA qui a pu scorer sans peine : en effet, un gouvernement belge est condamné au bricolage. La N-VA a dès lors drainé le mécontentement et érigé le fédéral en symbole du modèle belge. Au consensus mou la N-VA préfère la radicalité d’une majorité, comme De Wever le démontre à Anvers.

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