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Le CDH prêt à liquider Milquet

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Entendue par la justice, la ministre de l’Education ne se retirera que si elle est inculpée. Ou si on lui montre la porte de sortie. Mais elle est devenue un fardeau pour son parti, bien mal en point. Tôt ou tard, elle sera lâchée…

Longuement entendue mardi par la justice dans une affaire d’emplois fictifs, comme Le Vif/ L’Express l’a révélé hier soir, Joëlle Milquet est de plus en plus fragilisée sur le plan politique. La super-ministre-francophone, dont le portefeuille-mammouth allie éducation et culture, n’est toutefois pas encore tombée. Loin s’en faut.

Animal politique hors norme, la fondatrice du CDH se battra « comme une lionne », dit-on au sein de son parti. « Il faudra lui indiquer la porte de sortie, elle ne partira pas d’elle-même », confie un humaniste. Car pour elle, il est hors de question de reconnaître la moindre forme de culpabilité. Ou la moindre preuve de faiblesse. Tant qu’elle n’est pas inculpée, elle poursuivra sa tâche.

Ces derniers temps, elle en pourtant a avalé des couleuvres, depuis les fuites organisées des examens de fin d’année jusqu’à ses erreurs de communication manifestes, en passant par de délicates affaires personnelles. Mais à ses yeux, les accusations de malhonnêteté portées par la justice constituent l’infamie suprême.

Joëlle Milquet n’accepte pas que l’on mette en doute son intégrité alors qu’elle s’investit jour et nuit pour la politique depuis tant d’années. Et ce, même si le dossier de ces huit personnes engagées à son cabinet avant les élections de mai 2014, peut-être pour mener campagne à Bruxelles, semble suffisamment crédible que pour faire l’objet de minutieuses vérifications, des perquisitions de juin 2015 à l’audition e cette semaine.

Au sein du CDH, on ne cache pas sa préoccupation. Ce dossier pourri des emplois fictifs mine le travail de fond mené par Milquet pour réformer l’école – que ne cesse de louer le président Benoît Lutgen. Il est révélateur, en outre, d’une époque révolue. Et il court-circuite sans cesse toute reconstruction crédible de l’image du parti dans les médias.

Ce n’est pas pour rien que, lentement mais sûrement, on commence à la lâcher en interne.

Si des fuites ont eu lieu, c’est parce que Joëlle Milquet irrite de plus en plus dans ses propres rangs avec son caractère tempétueux, ses injonctions paradoxales et ses colères récurrentes. « Elle en a rendu plus d’un malade », entend-on régulièrement. « Ses défauts sont devenus plus grands que ses qualités », ajoute-t-on. La femme aux cent idées par minutes est devenue ingérable et trop souvent odieuse. Au point que cela en affecte son action.

Surchargée d’un portefeuille monumental par Benoît Lutgen, histoire d’être débarrassée de son embarrassante tutelle, Joëlle Milquet a en outre laissé une terre bruxelloise brûlée par des années de clientélisme communautariste. L’affaire des emplois fictifs présumés n’est au fond que l’expression de sa gestion électoraliste et sentimentale de la capitale. Elle y aurait recruté des candidats sur les listes CDH sans discernement, nombre d’entre eux ne partageant pas les valeurs du parti. L’exclusion de la députée turque Mahinur Özdemir, poussée dehors par Lutgen parce qu’elle refusait de reconnaître le génocide arménien, n’en fut qu’une énième illustration. Aujourd’hui, à Bruxelles, le CDH est en chute libre.

Si elle mène sa tâche ministérielle avec la ténacité et l’hyperactivité qu’on lui connaît, Joëlle Milquet peine en outre à convaincre réellement de la portée de son travail. « Elle s’est mis tous les médias à dos », murmure-t-on. « Elle n’est plus crédible. »

Or, après des sondages catastrophiques pour son parti, le bourgmestre de Bastogne doit désormais enclencher la deuxième s’il veut stopper l’hémorragie. Le CDH ne récolterait plus que quelque 11% en Wallonie et moins de 9% à Bruxelles: la cote d’alerte. Ces derniers temps, le CDH communique tous azimuts, avec de grosses sorties en matière de santé ou de mobilité. Un congrès est convoqué au printemps, au cours duquel des aînés encadreront des jeunes pour renouveler le stock à idées et préparer l’avenir. Car les communales de 2018, puis les régionales et fédérales de 2019, s’annoncent compliquées.

Dans cette perspective, Joëlle Milquet est devenue un fardeau pour son parti.

Si elle ne tombe pas tôt ou tard sur cette affaire d’emplois fictifs, on finira bien par lui faire comprendre qu’il est dans l’intérêt de tous qu’elle fasse un pas de côté pour laisse la place à une autre génération. Ce n’est pas pour rien que l’on cite déjà pour la remplacer le nom de l’ancienne ministre de l’Education, Marie-Martine Schyns, seule rescapée d’une région liégeoise tout aussi sinistrée. Ni que l’on évoque une scission des portefeuilles de l’Education et de la Culture pour permettre à une autre personnalité, bruxelloise sans doute, de se faire un nom.

Ce n’est, encore, que de la politique-fiction. Mais justice ou pas, il n’est plus loin le moment où Benoît Lutgen coupera définitivement le cordon ombilical avec celle qui l’a portée à la tête du CDH.

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