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Le bilan du roi Albert II est positif pour les éditorialistes

Le Vif

L’annonce de l’abdication du roi Albert II n’est pas une surprise, mais le moment choisi l’est par contre, soulignent jeudi les éditorialistes flamands. Alors que les éditorialistes francophones jettent un regard élogieux sur son règne.

Le Roi est fatigué, il a des problèmes de santé et sa vie privée et sa famille ont fait l’objet ces derniers temps de nombreuses discussions. Les éditorialistes s’attendaient toutefois à ce qu’il attende la formation du prochain gouvernement avant de passer le flambeau à son fils, le prince Philippe.

Albert II est dans l’ensemble décrit comme un Roi enjoué, moderne, consciencieux et qui s’est rarement occupé de politique, ou est du moins resté neutre politiquement, « bien que son rôle, en raison des circonstances – voyez notamment la formation du gouvernement en 2010-2011 qui a pris plus de 500 jours – était pourtant parfois bon gré mal gré coloré politiquement », indique Isabel Albers dans le quotidien De Tijd.

De nombreux connaisseurs voient également dans cette passation de pouvoir une occasion de limiter la fonction du souverain à une fonction protocolaire. « C’est aussi la seule version de la monarchie héréditaire qui subsiste intellectuellement dans une société moderne et un pays compliqué comme la Belgique », explique notamment Bart Sturtewagen dans De Standaard. En ce qui concerne le futur roi Philippe, de nombreux éditorialistes déclarent qu’il faut maintenant attendre et voir venir. « Le futur roi Philippe va-t-il prendre pour modèle le ‘roi-prêtre’ Baudouin, ou son père souriant, un homme avec des faiblesses humaines », s’interroge Yves Desmet dans le journal De Morgen.

Eric Doncker du quotidien Het Belang van Limburg voit lui déjà, comme de nombreux autres, dans la formation du nouveau gouvernement l’an prochain le test décisif pour le nouveau souverain. Pour Luc Van Der Kelen du Het Laatste Nieuws, « tout souverain doit suivre sa voie, le prince Philippe également. ‘La fonction crée le roi' ». « Il ne faut pas que Philippe essaye de sauver le pays, sous peine de le voir définitivement partir à vau-l’eau »  » Il est resté plus longtemps que prévu, il a fait moins d’erreurs que prévu et sa popularité a dépassé de loin ce qu’on pouvait imaginer lorsqu’on était en pleine Baudouin mania » précise encoreLiesbeth Van Impe dans Het Nieuwsblad. Elle donne aussi son conseil en or au prince héritier « N’essaye pas de sauver le pays. Si la pérennité d’un pays dépend d’un seul homme, qui a en plus hérité de la fonction par son nom, alors on peut tout aussi bien fermer boutique dès aujourd’hui. La survie de la Belgique sera décidée par les électeurs et les hommes politiques. Le roi qui irait contre cela ne fera qu’accélérer le processus. »

Et du côté francophone …

Les éditorialistes francophones se montrent jeudi élogieux envers le règne du Roi Albert II. Beaucoup évoquent la personnalité du souverain, plus « homme que roi ».

Dans La Libre Belgique, Vincent Slits estime que le Roi a « pris ses responsabilités avec humilité, sincérité et respect envers les institutions et ses concitoyens ». L’éditorialiste poursuit en rendant hommage à Albert II qui aura « au-delà des moments de crise où il a parfaitement joué son rôle, incarné un règne fort, courageux et chaleureux ». Au sujet du Prince Philippe, l’éditorialiste estime que le Roi a envoyé un « message clair: mon successeur est prêt, c’est l’heure de Philippe (…) N’en déplaise à ceux qui se livrent régulièrement à des procès en incompétence dont le seul but, en attaquant la monarchie et ceux qui l’incarnent, est bien de saper l’un des rares éléments stabilisateurs de ce pays ».

Dans La Dernière Heure, Ralph Vankrinkelveldt adresse au Roi un « Merci Sire ! « . « Il n’était pas un Roi comme les autres. Albert II fut plus un homme qu’un souverain (…) Courage, sagesse, sérénité, autorité sont les premiers mots qui nous viennent à l’esprit. Simplicité, empathie sont les qualificatifs qui lui colleront à la peau. » L’éditorialiste recommande également au Prince Philippe de se montrer « vigilant, car derrière la montagne se cachent des loups ».

Dans L’Avenir, Thierry Dupièreux insiste sur le « vous » prononcé par le Roi. « Vous avez sans doute été nombreux à ressentir comme un frisson. Se faire interpeller, comme ça, dans un discours aussi essentiel avait quelque chose de fort, mais également de très intelligent (…) Albert II ne semble pas seulement avoir passé le flambeau à son seul successeur. Il l’a aussi transmis à ses concitoyens, seuls titulaires de la souveraineté ». Selon l’éditorialiste, ce « vous » a également pour objectif de demander de l’indulgence « vis-à-vis d’un prince qui va devenir roi, vis-à-vis de Philippe qui va devoir tuer quelques a priori et craintes à son égard ».

Béatrice Delvaux évoque dans Le Soir un moment « historique », même s’il n’était pas inattendu, et parle d’une « décision d’une grande modernité », plaçant les Belges « face à leur destin ». « Après vingt ans de règne et à 80 ans, le Roi prend une décision sage, responsable et annoncée qui plus est avec cette grande simplicité qui lui est coutumière ». Et l’éditorialiste d’évoquer, comme d’autres, la compassion et la chaleur apportées par le roi Albert II aux Belges dans les moments tragiques vécus par le pays ainsi que son « sens aigu des responsabilités dans des crises politiques d’une profonde gravité », soulignant le rôle fondamental joué par le Roi dans les négociations de 2010-2011. Concernant le prince Philippe, Le Soir estime qu’en partant, le roi Albert II laisse à son fils un message « très clair: la monarchie n’est pas là pour se perpétuer, mais pour se moderniser, au service de son pays ». Béatrice Delvaux conclut en soulignant le fait que le roi Albert II a indiqué, dans sa déclaration, que la responsabilité de la suite que l’on donnera à la monarchie et à la Belgique est dans les mains de ses « principaux et uniques décideurs – la population belge ». « La Belgique est une démocratie. Ce sont les électeurs et les hommes politiques qu’ils élisent qui décideront du futur de ce pays. C’est le dernier grand mérite d’Albert II en partant que de l’avoir rappelé aux nationalistes, aux républicains, aux monarchistes et …à son fils, remettant la balle du match noir-jaune-rouge, là où elle va se jouer: pas dans le camp de Philippe Ier, mais dans le camp des Belges ».

Dans Sudpresse, Michel Marteau rend hommage à l’homme derrière le souverain et parle du roi Albert II comme d’un homme « marqué par l’émotion », dont les mains tremblent, qui nous parle « les yeux dans les yeux », avec un ton « profondément humain ». « On a envie de lui répondre, de lui dire qu’on le comprend, qu’à sa place… Déjà, la silhouette de Philippe Ier se superpose à celle du père. Celui-ci nous dit au revoir, il dit qu’on le reverra, mais sa vie est désormais ailleurs. Et on a soudain très froid. »

Martine Maelschalck évoque également dans l‘Echo la personnalité du roi Albert II, « l’homme qui ne devait pas être roi », « gai luron, bon vivant, prince dilettante » qui est devenu « l’un des meilleurs monarques que la Belgique ait connus. Tellement homme, et finalement tellement roi. ». Elle cite également sa chaleur, son empathie pour tous les Belges meurtris par les accidents ou les catastrophes, et les tensions et changements auxquels Albert II a dû faire face tout au long de son règne.
« C’est à la fois le roi et l’homme qui s’est adressé à la Nation: un roi qui s’effaçait pour laisser à son fils le temps de prendre sa place avant de nouvelles élections périlleuses; un homme qui avait choisi d’annoncer sa décision debout, regardant chacun les yeux dans les yeux. Merci, Sire. Et …qu’il nous soit permis: bonne chance, Philippe!  »

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