Une crise sanitaire, puis socio-économique, qui a ébranlé l'Europe. © SINCLAIR STAMMERS/ISOPIX

Le 27 mars 1996, le jour où la crise de la vache folle a atteint Bruxelles

Si on se souvient que la crise de la vache folle éclata en 1996, peu de gens savent qu’elle se préparait dès 1985. En septembre de cette année-là, un laboratoire vétérinaire britannique diagnostique l’apparition d’une nouvelle maladie neurologique chez des bovins. Dans les années qui suivent, les découvertes se succèdent.

Il apparaît ainsi que la maladie serait liée à l’absorption de farines animales. Et surtout, qu’elle serait transmissible. En 1988, de premiers abattages ont lieu. Et dès l’année suivante, l’exportation de certaines farines animales est interdite sur le continent.

Mais c’est en 1996 que l’affaire devient retentissante. Le 20 mars, le ministre britannique de la Santé reconnaît un danger… pour l’homme. La viande provoquerait chez l’être humain une version nouvelle de la maladie dégénérative de Creutzfeldt-Jakob. Pire : pas moins de dix personnes seraient déjà atteintes ! La réaction est immédiate : dès le lendemain, la France suspend ses importations de viande bovine anglaise.  » Nous ne pouvons pas accepter de viande sans garantie de sécurité, de quelque pays que ce soit « , déclare le ministre français de l’Agriculture.

Et l’Europe ? Elle hésite. Depuis longtemps, des rapports alarmants circulent dans les services de la Commission. Depuis longtemps, le Comité scientifique vétérinaire s’inquiète de l’affaire. Mais au-delà de ses aspects scientifiques, l’affaire est politique. De divers côtés, les groupes de pression se sont mis en branle – et les lobbys industriels sont puissants ! Autre chose : alors que Bruxelles prépare l’avènement du marché unique, la perspective d’un embargo refroidit les technocrates… En mars 1996, la pression étant devenue insoutenable, Jacques Santer, le président de la Commission, finit par suspendre l’exportation de viande britannique. Mais John Major tente de l’en dissuader. Le Premier ministre britannique ne gagne qu’un court sursis : le 27 mars, Bruxelles proclame (enfin !) l’embargo.

Il n’empêche, le mal est fait. Le virus est lâché, des centaines de personnes seront contaminées. Au-delà, le citoyen n’a plus confiance : dans les étals, les consommateurs fuient le boeuf – quelle que soit sa provenance. Quant à la Commission, elle va payer un lourd tribut. Financièrement d’abord : une large partie du coût des abattages sera pris en charge par ses services. Plus largement, son crédit est atteint. On lui reproche d’être déconnectée du terrain, de privilégier la gestion des marché à la santé des Européens, d’agir dans la plus parfaite opacité…

Il faudra du temps pour surmonter la crise. Des actes aussi. Devant le Parlement européen, Santer choisit de reconnaître les erreurs de ses troupes. Il prend aussi des engagements. Rapidement, un service spécialement chargé de la santé des consommateurs est mis sur pied à l’ombre du Berlaymont. Avec le temps, Bruxelles encouragera l’amélioration des pratiques et de la traçabilité dans la filière animale. C’est bien. Mais cela n’empêchera pas d’autres scandales d’éclater.

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