A Bruxelles, 300 000 personnes ont défilé lors de la marche blanche. © Reuters

Le 20 octobre 1996, le jour de la célèbre Marche blanche à Bruxelles

Tout le monde y était. Ou s’en souvient. L’événement était exceptionnel. Unique dans l’histoire du pays. Pour la première fois, tous les Belges – les athées et les cathos, les Flamands et les francophones, les prolétaires et les bourgeois – se retrouvaient dans la rue. Côte à côte.

Non pas pour défendre les droits des travailleurs, proclamer les vertus du féminisme, condamner le matérialisme ou s’opposer à des missiles nucléaires. Simplement pour dire leur tristesse. Et leur colère. Leur désir d’autre chose aussi.

Le 13 août 1996, Marc Dutroux, un électricien au chômage, est arrêté. Dans la foulée, les corps de plusieurs enfants disparus sont retrouvés. L’écho est retentissant. Les Belges ne sont pas seulement sous le choc ; ils sont aussi révoltés par les ratés que l’enquête met bientôt en lumière. Guerre des polices, incuries politiques, dysfonctionnements judiciaires : les grands appareils de l’Etat sont lourdement visés. Ecoeuré, le peuple crie vengeance.

La goutte ? C’est Connerotte ! Pour avoir participé à un repas en hommage aux victimes, le juge d’instruction en charge du dossier en est dessaisi. L’affaire scandalise l’opinion. Spontanément, des regroupements citoyens s’organisent devant le palais de justice de Bruxelles. En divers endroits, des arrêts de travail sont même observés. Dans les milieux gouvernementaux, l’inquiétude domine. A la Chambre, le Premier ministre Jean-Luc Dehaene fait bonne figure :  » Ces événements nous incitent à réfléchir sur les valeurs que nous souhaitons défendre dans notre société ainsi que sur les moyens que nous devons mettre en oeuvre pour protéger ces valeurs « , clame-t-il. Mais en son for intérieur, l’homme est inquiet. Il redoute une explosion violente du malaise citoyen.

Le 7 octobre, les parents des victimes invitent la population à participer à une marche du souvenir. L’événement est organisé en quelques jours, par des amateurs. Il va pourtant connaître un succès fou. Dopée par l’affaire Connerotte, encouragée par les médias, la population répond massivement à l’appel. Le 20 octobre, emplies d’émotion, 300 000 personnes défilent sur les grands boulevards de la capitale. En silence. Le blanc des vêtements qu’elles portent et des ballons qu’elles lancent se veut symbole de neutralité, d’innocence et de paix. Il donnera aussi son nom à la marche – et à toutes celles qui, ici ou ailleurs, suivront.

L’affaire Dutroux a fait jaillir à la surface des tensions profondément ancrées. Tueurs du Brabant, cellules communistes combattantes, financement occulte des partis… Les  » affaires  » n’avaient pas manqué de secouer le système belge au cours de la dernière décennie. A présent, des réformes sont nécessaires. La plus ambitieuse sera la fusion des corps de police locaux et nationaux. La plus symbolique sera la mise sur pied d’un centre consacré à la lutte contre la disparition d’enfants. Le 31 mars 1998, enfant de la marche blanche, Child Focus verra le jour.

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