Le libéral Paul Janson, grand défenseur du suffrage universel. © DR

Le 20 mai 1891, le jour où on décida de toucher à la constitution Belge

Elle est née sur les braises encore chaudes d’une révolution. On la dit libérale et moderne. Et pourtant, elle n’est pas ouverte à toutes les folies. On ne l’approche qu’avec déférence. On ne la touche qu’en de rares circonstances. Et au terme de longs préliminaires. Mieux : bien qu’elle soit majeure depuis longtemps, ses deux parents doivent marquer leur commun accord sur la chose !

C’est en 1891 que la chose se produisit pour la première fois. Deux ans plus tard, déjà âgée de 62 ans, la Constitution belge fut officiellement déflorée.

En Belgique, le pouvoir appartient au peuple. Mais seuls les plus riches – ceux qui paient le cens – peuvent voter. Et seuls les hommes possèdent ce droit. Finalement, à peine 1 % de la population peut élire ses représentants. Conséquence ? Chaque voix vaut de l’or. Pas surprenant que dans la Belgique du xixe siècle, les campagnes électorales soient franchement violentes. Ni que le clientélisme et la corruption soient monnaie courante.

Peu discutable en 1831, le suffrage censitaire se voit de plus en plus contesté au fil du temps. L’histoire retient que ce sont les socialistes qui ont obtenu l’adaptation du droit de vote. Ce n’est pas faux. Mais un brin réducteur. Car des démocrates, il y en a dans tous les camps. Chez les libéraux, les luttes sont vives entre un Paul Janson, grand défenseur du suffrage universel, et Walthère Frère-Orban, qui doute totalement du sens politique des masses. Les mêmes clivages se retrouvent dans la famille  » catholique « . Tandis qu’Auguste Beernaert prône démocratisation et  » flamandisation « , son coreligionnaire Charles Woeste rejette toute avancée en ces domaines.

Pendant ce temps, les socialistes s’organisent. Ils fondent un parti en 1885. Mais ne disposant guère d’élus, c’est sur le terrain qu’ils se mobilisent. En septembre 1890, ils menacent : sans révision constitutionnelle, ils organiseront une grève générale. La réaction des autorités est vive : immédiatement, plusieurs détachements de miliciens sont rappelés sous les drapeaux. Et pourtant, dans la coulisse, on est bien conscient que la répression ne suffira pas. Le roi Léopold II ne s’est-il pas d’ailleurs renseigné sur la récente révision électorale intervenue aux Pays-Bas ?

Début 1891, des mouvements de grève spontanés éclatent un peu partout. Régulièrement, les forces de l’ordre interviennent. Souvent, on déplore des blessés. Emanant des socialistes, de l’intérieur des autres partis, et de la rue, la pression devient intenable. Le 20 mai, contraint mais unanime, le Parlement accepte l’idée de réviser la Constitution.

Victoire ? Pas si vite ! Deux années seront nécessaires avant que les députés s’accordent autour des modalités du nouveau vote. En 1893, le Parlement approuve le suffrage universel. Celui-ci est toutefois limité aux hommes et tempéré par un vote plural. En clair : tous les hommes ont une voix. Mais certains – essentiellement les plus diplômés et les plus riches – en ont deux ou trois. A plusieurs reprises, il faudra encore toucher à la  » Vieille Dame  » pour que le pouvoir soit également réparti entre les Belges.

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