Laurence Van Ruymbeke

Le 1er mai est à tout le monde. Ou devrait l’être.

Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Ce n’est pas le moindre des paradoxes : plus l’emploi pose problème et plus on se bat pour s’approprier la fête du travail. C’est le cas en France, où la gauche, la droite et le Front National se targuent d’avoir des droits sur cette journée particulière du 1er mai.

C’est aussi vrai en Belgique où le MR, qui se présente dans Le Soir comme « le délégué syndical de ceux qui veulent agir, et pas subir », assure, par la voix de son président Charles Michel que « le Premier Mai est une fête authentiquement libérale, qui met à l’honneur le travail dans sa dynamique d’accès à l’épanouissement, à la prospérité ».

A dire vrai, on s’en bat l’oeil, de savoir à qui appartient le 1er mai, si tant est qu’il appartienne à quelqu’un.

Il est bien plus intéressant, et bien plus inquiétant, de porter le regard sur ceux qui ne se l’approprient pas. Comment se peut-il, en ces temps de crise sévère, que tous, absolument tous, ne s’affairent pas pour les derniers préparatifs de la fête, ou, à tout le moins, ne célèbrent pas les vertus humaines du « travail », son rôle fondamental dans l’intégration sociale de chacun et son absolue nécessité pour vivre décemment et la tête haute. C’est fort dommage.

Nous sommes au XXIème siècle. La donne a changé sur le marché du travail. La situation est suffisamment grave pour que l’on ose sortir, sur ce point, des sempiternelles oppositions entre partis de gauche et de droite, ou entre organisations patronales et syndicales.

Les élections sociales commencent dans quelques jours et chacun sait combien ce contexte est susceptible, par nature, de fragiliser le dialogue social. Les diverses mesures d’austérité fixées par le gouvernement, déjà décidées ou encore à venir, touchent de plein fouet la population, et quelques-unes de ses catégories plus que d’autres. De nouvelles annonces de restructurations ou de fermetures d’entreprises tombent presque chaque semaine, parallèlement à l’attribution de conséquentes augmentations de salaire pour certains patrons, dont certains, à l’évidence, n’ont pas démérité.

A l’heure où le chaudron social bout, ne serait-il pas enfin temps de réunir les forces vives syndicales, patronales et politiques autour des chantiers cruciaux liés à l’emploi, en commençant par célébrer ensemble la fête du Travail, dans une puissante et prometteuse union nationale ? Le président de la FGTB propose d’augmenter de 10 % le salaire minimum, pour lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres et inciter les demandeurs d’emploi à redevenir acteurs d’emploi. Un travailleur à temps plein, à partir de 21 ans, recevrait ainsi, au titre de salaire minimum brut, 1 620 euros au lieu de 1 472. Coûteux ? Bien sûr. Insensé et dicté par les seuls besoins de la campagne électorale ? La suggestion n’est sans doute pas dépourvue d’arrière-pensée mais on peut supposer que cet argent supplémentaire sera immédiatement réinjecté dans le circuit économique, via la consommation. La mesure pourrait donc avoir des effets positifs multidirectionnels. Elle mérite à tout le moins réflexion car, dans la situation actuelle, toute piste est à creuser.

Le temps de l’opposition paralysante entre les camps est révolu. La crise et ses conséquences menaçantes devraient inciter les uns et les autres à céder, chacun, quelques pouces du terrain et à quitter leurs positions défensives au profit d’un projet collectif à construire, d’abord en matière d’emploi. Lequel ? On le cherche. Il faudra de l’imagination, de l’audace, du cran et la force de bousculer et ses propres troupes, et certains tabous, tant du côté patronal que syndical. Il y a un tout petit espace où autre chose est possible que l’affrontement systématique, stérile et énergivore. L’espace de demain, par exemple, 1er mai, jour de fête aux odeurs de muguet, la fleur du renouveau…

Laurence van Ruymbeke

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