Paul-Henri Spaak représentait la Belgique à la première session ministérielle du Conseil de l'Atlantique Nord, en 1956. © Rue des Archives

Le 16 juin 1966 : Spaak, l’adieu d’un géant

L’émotion est palpable dans l’arène de la Chambre. Un événement est en train de se produire. Historique ! C’est la dernière fois que Paul-Henri Spaak s’exprime au Parlement. Plus éloquent que jamais, c’est sur l’Otan que le socialiste livre sa dernière bataille.

La France vient de quitter l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Et la Belgique est pressentie pour accueillir certaines installations. Spaak est favorable au projet. Mais son parti s’y oppose. Le divorce est officiel. Il était aussi inscrit dans les astres.

Il faut dire que Paul-Henri Spaak a toujours entretenu des rapports compliqués avec le parti socialiste. Esprit libre et indépendant, il est allergique à toute logique d’appareil. Les hautes fonctions internationales qu’il exerce – président de l’assemblée générale de l’ONU, secrétaire général de l’Otan… – l’éloignent toujours davantage des dosages partisans et des querelles intestines qui bouillonnent au Boulevard de l’Empereur. Là où certains ne jurent que par le rouge, Spaak collabore volontiers avec des libéraux et des catholiques… tant qu’ils sont compétents ! En 1961, il accueille le jeune Etienne Davignon dans son cabinet. Quelques années plus tard, il le nomme même au poste de chef de cabinet.  » Spaak était beaucoup moins politique que les hommes politiques actuels « , racontera l’ancien ambassadeur Philippe de Schoutheete.

La rupture va se dessiner en 1966, autour de deux actes. En février, une longue crise politique gagne le pays en raison de la scission de l’Université catholique de Louvain. Quand le gouvernement Vanden Boeynants chute, un profond clivage voit le jour au sein du parti socialiste. D’un côté, on retrouve les participationnistes, emmenés par Paul-Henri Spaak, ministre sortant des Affaires étrangères. De l’autre, les partisans de l’opposition. Ces derniers finissent par l’emporter. Après cinq années de gouvernement, les socialistes quittent la majorité. Fâché, Spaak décide, lui, de quitter le bureau du parti.  » Je ne puis me déclarer solidaire des multiples erreurs qui, à mon avis, ont été commises, écrit-il à Léo Collard, son président. Je désire dès lors retrouver ma liberté qui me permettra de dire ce que je pense là où je crois que cela doit être dit.  » Fin de l’acte I.

Et puis, il y a le dossier Otan. Historiquement antimilitaristes, les socialistes n’ont jamais trop aimé cette organisation. Le 15 juin, en conseil général, le parti se divise. Mais il prend globalement position contre l’installation du Shape en Belgique.  » Mon coeur est plein de mélancolie parce que toute l’oeuvre de ma vie internationale est ici combattue « , réagit Spaak. Le lendemain, à la Chambre, il se montre lucide :  » Je ne puis vraiment aujourd’hui, et c’est la première fois que cela m’arrive depuis trente-cinq ans, que parler en mon nom personnel.  » Le mois suivant, Spaak abandonne son siège de député. L’acte II vient de se produire : le plus grand homme politique belge de l’après-guerre vient de tirer sa révérence.

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