Léopold III et son ministre des Affaires étrangères Paul-Henri Spaak (ici en 1936). © PHOTO NEWS

Le 12 septembre 1940, le jour de l’échec de la diplomatie du palais

Pour la majorité des diplomates belges, l’été 1940 est terriblement difficile. Dispersés aux quatre coins du monde, ils ne reçoivent pratiquement plus d’instructions d’un gouvernement qui se trouve à la dérive, perdu quelque part entre la France et l’Angleterre. Certains ont dû abandonner leur poste, d’autres se trouvent à court de liquidités. C’est dans ce contexte qu’ils reçoivent la lettre du 12 septembre. Elle est signée par Louis d’Ursel, le représentant de Belgique à Berne.

Stupéfaction. Lorsqu’en pleine guerre, les ambassadeurs de Belgique découvrent cette lettre, la plupart n’en croient pas leurs yeux. « Il est difficile de se faire actuellement une opinion sur notre avenir », lisent-ils. « Nous n’avons jamais admis la thèse du gouvernement Pierlot, selon laquelle il existe une alliance entre la Belgique, la France et l’Angleterre. […] Nous ne sommes plus, en fait, en guerre avec l’Allemagne. »

En réalité, d’Ursel n’est qu’un simple intermédiaire. Le texte qu’il adresse à ses collègues a été rédigé à Bruxelles par un petit groupe de diplomates. Robert Capelle est le secrétaire de Léopold III, Pierre van Zuylen est l’un des principaux fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et Jacques Davignon est l’ancien ambassadeur de Belgique en Allemagne. Trait commun entre ces hommes ? Ils sont tous trois proches du roi. Sans doute celui-ci n’a-t-il pas directement été impliqué dans la rédaction du texte mais il approuve l’initiative. Il faut dire que la lettre reflète parfaitement ses vues…

Les réactions au message de d’Ursel ne tardent pas. Certes, quelques diplomates se montrent déstabilisés ou tentés de suivre la ligne de conduite proposée. Mais les autres s’y opposent farouchement.  » Votre lettre trahit une arrière-pensée politique que l’on pourrait résumer dans les termes suivants : il faut se mettre le plus rapidement possible du côté du plus fort. Croyez-vous que tout le monde ait la poignée de main aussi facile ? « , écrit l’un.  » L’heure n’est pas à la manifestation de sentiments personnels et d’appréciations individuelles mais bien au seul souci de la défense des intérêts supérieurs de la Belgique « , ajoute un autre.

Quelques semaines plus tard, le ministre des Affaires étrangères Paul-Henri Spaak gagne Londres et récupère le plein exercice de ses prérogatives.  » Vous opposez le Palais au gouvernement « , reproche-t-il à d’Ursel, qu’il accuse de rendre un  » déplorable service  » au roi. Invité à se défendre, Louis d’Ursel commence par se rétracter. Avant d’adopter à nouveau une attitude ambiguë. En 1942, il est mis en congé ; en 1944, il est définitivement écarté du service. Dans la foulée, Capelle et van Zuylen subissent le même sort. Quant à Davignon, il est placé à la direction du service historique du ministère des Affaires étrangères. Une voie de garage. Pour Léopold III, l’affaire de Berne constitue aussi un tournant. Après 1940, son influence sur la politique étrangère du pays diminue significativement. Bientôt, il perdra même son trône…

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