"Nous devons développer un patriotisme ouvert et fraternel." © Hatim Kaghat/ID photo agency

Laurette Onkelinx : « Si le PS se divise, il est mort ! »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La présidente des socialistes bruxellois n’a « aucune crainte » sur la capacité de son parti à « reconquérir les coeurs ». Elle attaque le PTB qui « ne croit pas à la démocratie ». Et n’imagine pas une recomposition du paysage politique.

Benoît Hamon, candidat officiel du PS, a été laminé au premier tour de la présidentielle. La gauche française est éclatée. Cela vous inquiète ?

Ce serait ridicule de ne pas tirer des enseignements d’un scrutin, que ce soit aux Etats-Unis récemment ou en France. Il y a plusieurs leçons à retenir de cette incroyable campagne électorale – incroyable, il faudrait en faire une série télévisée ! Tout d’abord, pour gagner une élection présidentielle, il faut incarner l’espoir et le changement. La société est traversée par la peur, les gens ont besoin de casser ce cycle avec des idées nouvelles ou des personnages nouveaux. Ce qui s’est passé pour le PS français n’est évidemment pas agréable du tout. Benoît Hamon avait un projet qui était beaucoup plus en rupture avec le hollandisme que celui de Macron, mais il n’a pas compris qu’une élection, c’était la rencontre entre un homme et un peuple. Lui, il n’a été à la rencontre que d’une partie de la gauche. Et il s’est fait avoir comme un bleu par Mélenchon, avec ce pacte de non agression : comme si leurs projets n’étaient pas différents… Au niveau stratégique, Hamon n’a pas été bon.

Que pensez-vous du succès d’Emmanuel Macron ?

Il a réussi à incarner cet espoir. Son succès prouve l’importance de la démocratie participative, à laquelle je suis favorable. Il a construit son programme avec 30 000 personnes, au cours de 3 000 réunions ! Cela dit, il a un programme de centre un peu traditionnel pour chez nous. Là où il m’impressionne, c’est d’avoir pris une position vraiment courageuse sur la grande question des identités qui traverse la société française. C’est un des rares à avoir félicité Angela Merkel pour ce qu’elle a fait pour les réfugiés en Allemagne, que je sache. Il parle d’une grande France qui n’a pas une culture, mais des cultures. Il a gagné avec un discours d’ouverture et de respect. Nous devons en tirer des leçons en Belgique, où la démocratie se rabougrit à cause de ce gouvernement fédéral qui accepte tout ce que fait la N-VA.

Les deux partis traditionnels ne sont pas au second tour, en France. C’est une question existentielle pour vous, parti dominant en Belgique francophone ? Les sondages vous donnent en forte baisse…

Une des grandes leçons du scrutin français, c’est que si le PS se divise, il est mort ! Mais si on reste uni, je n’ai pour ma part aucune crainte – aucune ! – d’une situation à la française. D’ailleurs, le Parti socialiste est resté le premier parti en Wallonie et à Bruxelles après avoir été une longue période au pouvoir et avoir donné le Premier ministre précédent. Nous connaissons évidemment un gros problème à cause de Publifin, mais le printemps va revenir. Le PS va repartir à la conquête des coeurs.

Vraiment ?

Oui, mais cela ne se fera qu’à deux conditions. Si on ne les respecte pas, ce sera sans moi. Tout d’abord, en ce qui concerne l’éthique, nous devons être très fermes et sanctionner très durement ceux qui ont fauté. Mais cela ne suffit pas : il faut des règles nouvelles, très claires, montrant que l’on ne fait pas de la politique pour son profit personnel, mais pour changer la vie des gens. Le gouvernement wallon va prendre à très court terme une kyrielle de mesures, nous sommes en train de le faire aussi à Bruxelles. Il faut tourner la page ! La deuxième condition, c’est qu’il faut changer sur le fond si l’on veut rester fort. Le Chantier des idées ne doit pas être une opération de com, mais engendrer des propositions en profondeur. Nous devons profiter du fait que nous sommes dans l’opposition au fédéral pour réaffirmer notre nouvelle identité.

Que vous définiriez comment ?

Nous portons cinq grands chantiers qui parlent à la jeunesse, avec des solutions. Tout d’abord, la question écologique, qui doit devenir le coeur du projet socialiste, avec celle, qui est liée, de l’explosion de la population au niveau mondial. Le deuxième, c’est celui, évoqué par Thomas Piketty, du capitalisme financier, de la qualité de l’emploi et de la pauvreté : la fiscalité doit être au coeur de notre programme. Troisième chantier : la révolution numérique, à laquelle je me suis beaucoup intéressée. Je ne suis pas favorable à l’allocation universelle, je plaide par contre pour la semaine des quatre jours pour partager l’emploi disponible et diminuer le stress. Quatrièmement, il faut lutter contre le repli identitaire, le PS doit clairement renouer avec son universalisme.

En dépit des critiques sur votre héritage à ce sujet ?

Oui. On a des valeurs ou on n’en n’a pas. Nous sommes une alternative aux mesures néfastes de ce gouvernement fédéral, avec les valeurs piétinées par Theo Francken, qui me dégoûte. Nous devons développer un patriotisme ouvert et fraternel. J’ai d’ailleurs déposé une proposition pour instaurer un service civil citoyen, afin de permettre à chacun d’être vraiment reconnu dans la société. Nous voulons aussi élargir le droit à l’avortement et dépénaliser le cannabis. Enfin, notre cinquième chantier concerne une Europe réformée, comme nous l’avons démontré avec notre combat contre le Ceta.

Mais le PTB vous taille des croupières avec son discours antisystème, comme Jean-Luc Mélenchon en France…

Je sais que le PTB mène des opérations de com incroyables, mais ce n’est pas Mélenchon, non ! Je ne pense d’ailleurs pas que Mélenchon irait à un congrès où il y a des représentants de la Corée du Nord. Le PTB essaie de surfer sur la vague du succès, mais en France, il serait plutôt Poutou ou Arthaud. Le PTB est un vieux parti. Ce ne sont pas des ennemis politiques – j’ai des ennemis à droite, pas à gauche -, mais ce ne sont pas des amis. Je n’ai pas le même rapport qu’eux à la liberté : je crois aussi aux libertés individuelles, je ne serai jamais d’accord avec le communisme. Je crois, moi, à la démocratie parlementaire, eux pas, ils s’en fichent complètement, ils croient à la loi de la rue. Ils filment leurs interventions à la Chambre et puis s’en vont… Qui travaille sans relâche pour tenter d’obtenir des amendements aux projets du gouvernement fédéral ? Essentiellement le PS. Je n’aime pas l’attitude du PTB au Parlement : ils ne croient pas à la démocratie tout court ! S’il n’y a pas de démocratie parlementaire, c’est une dictature. Même si elle est du prolétariat, une dictature est une dictature, que je sache ! Enfin, je crois qu’on ne doit pas se moquer des gens et avoir un projet crédible. Je peux dire aussi qu’une taxe des millionnaires réglerait tout, avec le même accent liégeois que Raoul Hedebouw. Mais moi, je ne me moque pas des gens !

Vous espérez que les électeurs ouvriront les yeux ?

Je n’en sais rien, mais je continuerai à dire ça, soyons clair ! Ils profitent d’un désarroi, mais aussi des fautes du PS. L’attitude de certains chez nous, qui ont privilégié leur portefeuille, a été scandaleuse, c’est insupportable !

Un mouvement à la Macron pourrait voir le jour chez nous. Une révolution ?

Je n’y crois pas du tout. Nous avons un centre, qui est plutôt le CDH. Et un parti Ecolo, ancré à gauche aussi. On ne peut pas dire que le centre ait une attractivité en Belgique, comme c’est le cas en France. Nous ne sommes pas dans la même configuration sociologique. Je ne crois pas qu’il faut essayer de reconquérir par des logiques d’appareil, mais par les idées, par le projet. Et nous nous y employons.

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