Thierry Denoël

Lasagnes : les voyous de l’agroalimentaire

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Vent de panique sur les lasagnes. Une vingtaine de produits surgelés à base de viande hachée, fabriqués en France, ont été retirés de la vente. En cause : tromperie sur la marchandise. La viande de boeuf, annoncée sur l’emballage, a été substituée par du cheval, moins cher. Une enquête est menée en Belgique.

L’onde de choc se propage. La crainte de voir éclater une nouvelle « affaire de la vache folle » tétanise le secteur de l’agro-alimentaire, même si, pour l’instant, le scandale des lasagnes tronquées révèle davantage une tricherie sur l’étiquetage qu’une crise sanitaire. Les supermarchés français et britanniques n’en continuent pas moins de vider leurs rayons des produits suspects, lasagnes, moussakas, hachis Parmentier, cannelloni, fabriqués avec du cheval roumain et non du boeuf comme promis sur l’emballage.

C’est que l’affaire des lasagnes a mis au jour une faille monumentale. Aucun contrôle en France, où ont été fabriqués ces produits, n’a permis de détecter l’arnaque. Incroyable ! Aujourd’hui, la société Findus, principale concernée, rejette la faute sur son fournisseur, lequel a acheté la viande surgelée à un trader chypriote qui avait sous-traité la commande à un trader situé aux Pays-Bas, qui, lui, s’était fourni auprès d’un abattoir roumain (selon les explications du gouvernement français). A quel niveau a-t-on décidé de remplacer le boeuf par du cheval et de se sucrer sur le dos des consommateurs ? Un vrai casse-tête.

Il n’empêche, on peut se demander pourquoi la traçabilité n’a pas fonctionné. En France, 100 % des carcasses animales sorties des abattoirs ont fait l’objet d’une inspection. Mais pour les produits transformés, comme les lasagnes, rien de tel. Une infime partie seulement est contrôlée… C’est que le nombre d’inspecteurs vétérinaires a diminué de 12 % en France depuis cinq ans. Pourtant, selon Le Figaro de ce lundi, les analyses bactériologiques et les analyses sur la loyauté des produits révèlent, une fois sur trois, une tromperie sur l’origine des marchandises. La répression des fraudes découvre régulièrement de véritables pratiques mafieuses. Fin 2012, une enquête d’Interpol et d’Europol, visant un réseau international, a débouché sur la confiscation d’une tonne de charcuterie et de deux tonnes de poissons et crustacés, impropres à la consommation humaine.

Au milieu des années 1990, le scandale de la vache folle avait obligé les autorités à mettre en place un processus de traçabilité pour l’ensemble de la chaîne bovine. Quinze ans plus tard, il s’avère que le mécanisme de veille déraille sérieusement. En Belgique, le SPF Economie vient de lancer une enquête sur les lasagnes Findus, soit plusieurs jours après l’alerte donnée par d’autres pays européens. Test-Achat s’étonne de la lenteur de la procédure. Faudra-t-il un nouveau séisme sanitaire pour secouer les consciences ?

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