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La zone du Canal, parente pauvre du survol de Bruxelles?

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Nettement moins mobilisés que les habitants du sud de la capitale, les survolés du Canal rêvent pourtant de nuits et de week-ends sans avions. Ils ne se plaignent guère. Ce n’est pas une raison pour leur balancer les vols dont personne ne veut.

Le 19 février, le retour aux routes aériennes précédent « le plan Wathelet » (de février 2014) sera officiellement retranscrit dans les AIP (Aeronautical Information Publication), c’est-à-dire les publications d’informations aéronautiques nécessaires aux pilotes. L’entrée en vigueur du moratoire décidé par le nouveau gouvernement fédéral se fera, elle, le 2 avril. « Pour l’instant, nous ne gesticulons pas beaucoup parce que le cabinet Galant consulte tout le monde et tente de comprendre le dossier très complexe du survol de Bruxelles », détaille Antoine Wilhelmi, le chef de file du mouvement citoyen Pas Question ! Le fameux « plan durable de survol » qui devra être élaboré sous cette législature ne sera pas une mince affaire…

En attendant, le service de médiation de l’aéroport de Bruxelles-National est toujours bombardé de plaintes. Alors qu’il en avait enregistré 9 770 pour toute l’année 2013, leur nombre a explosé pour dépasser les 71 400 à la fin octobre 2014. Sans guère de surprises, c’est dans la commune de Woluwe-Saint-Pierre, touchée tant par les atterrissages que les décollages, qu’elles ont été les plus nombreuses (15 398). Viennent ensuite Auderghem (13 034), Watermael-Boitsfort (9 119), Schaerbeek (7 868), Uccle (7 660) et Etterbeek (2 532), peut-on lire dans la réponse fournie par la ministre Galant au député écologiste Benoit Hellings.

Dans les communes situées sous la route dite du Canal (Molenbeek, Bruxelles, Anderlecht, Forest, Saint-Gilles), en revanche, les plaintes sont rares, dépassant de peu le millier à Bruxelles. Ces communes sont pourtant intensément survolées, plus encore depuis l’entrée en vigueur de la sixième phase du plan Wathelet. Depuis le 6 février 2014, les décollages de jour vers la route du Canal sont passés de 5,3 à 9,8 % et les vols de nuit, de 23,8 à 30 %.

La route du Canal, considérée comme industrielle et peu habitée en 2003, est aujourd’hui intensément peuplée. « Au centre de Molenbeek, on compte 27 000 habitants par kilomètre carré, souligne Karim Majoros, échevin Ecolo du logement. C’est plus qu’à Macao… » Le gouvernement fédéral s’était pourtant accordé – et son instruction ministérielle de mars 2012 le rappelle – pour limiter autant que possible la concentration des vols au-dessus de zones fortement habitées. Or, selon l’étude réalisée en mai dernier par l’Igeat (Institut de gestion de l’environnement et d’aménagement du territoire) à la demande du SPF Mobilité, 392 300 habitants subissent désormais les nuisances dues au surcroît de vols dans la région du Canal. La mobilisation citoyenne s’y est pourtant révélée bien moindre que dans les communes du sud de Bruxelles, nouvellement survolées il est vrai, et au niveau socio-économique et culturel supérieur.

« C’est la preuve que l’inégalité sociale conduit à l’inégalité environnementale, soupire Frédéric Dobruszkes, chercheur à l’Igeat, spécialisé en géographie des transports. Les nouvelles procédures de vol ne sont pas neutres, socialement parlant. Elles renforcent les inégalités sociales par une différenciation accrue du cadre de vie. »

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec notamment le détails du nombre de vols sur la route du Canal en 2013 et en 2014.

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