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La vraie feuille de route de Di Rupo

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le Premier ministre entre officiellement en campagne ce dimanche lors du congrès du PS wallon. Fini l’homme d’État au-dessus de la mêlée. Voici le programme en 5 points qu’Elio Di Rupo va désormais défendre.

Ce dimanche 23 mars, Elio Di Rupo entre officiellement en campagne électorale, comme tête de liste PS dans l’importante province du Hainaut, celle qui délivre le plus grand nombre de députés en Wallonie. Le Vif/L’Express a voulu en savoir plus sur les positions du Premier ministre par rapport aux thèmes majeurs de cette campagne. En vain. Son porte-parole nous a renvoyés au président ad intérim du Parti socialiste, Paul Magnette, qui a accepté, lui, de nous donner les réponses. Mais que l’on ne s’y trompe pas : les positions claires que nous avons finalement obtenues figureront bien sur la feuille de route de Di Rupo pour les deux mois à venir.

1. Social : on ne change rien

Sur le plan socio-économique, le ton n’est pas de nature à rassurer les partenaires actuels au gouvernement. Un exemple ? La volonté du PS de revenir sur l’exclusion annoncée de 50 000 chômeurs au 1er janvier 2015, en raison de la limitation des indemnités versées à ceux qui arrivent sur le marché de l’emploi. « Cette mesure a été décidée dans un contexte de crise institutionnelle qui menaçait l’existence même de notre modèle social et avec des partenaires qui voulaient la suppression pure et simple de l’allocation d’insertion, dit le PS. Mais dès lors que la crise sur le marché de l’emploi perdure, nous souhaitons une révision en profondeur de cette mesure. » Le MR, lui, a déjà fait savoir qu’il y était opposé.

Pour le reste, le parti du Premier ministre ne laisse guère de marges de manoeuvre pour mener des réformes structurelles réclamées par la N-VA ou les milieux patronaux. Augmenter à terme l’âge de départ à la pension ? Le PS s’y oppose, mais veut « augmenter de 210 euros nets par mois le salaire poche des travailleurs âgés pour les encourager à travailler jusqu’à l’âge de la pension légale ». Revoir la norme de croissance du budget des soins de santé ? Niet : elle doit être « maintenue à au moins 3% pour la législature 2014-2019 ». Limiter les allocations de chômage dans le temps (deux ou trois ans) avec un accompagnement intensif, comme prôné par De Wever et les siens ? Refus, là encore, car « ce n’est pas le chômeur qui est trop peu actif dans sa recherche d’emploi, mais c’est le manque d’offres d’emplois qui est responsable du chômage ». Enfin, pas question non plus de revoir les critères d’obtention des allocations familiales. « Ce n’est pas le moment de révolutionner cette politique alors qu’elle vient d’être régionalisée. »

2. Fiscal : haro sur les grosses fortunes Le Premier ministre va redevenir le chantre de l’impôt sur les grosses fortunes, une mesure qui figure depuis dix ans au programme du PS, sans résultat. « Il concernerait uniquement les contribuables qui ont un patrimoine supérieur à 1,25 million d’euros, en dehors de la maison d’habitation et des biens affectés à l’activité professionnelle. Moins de 80 000 Belges seraient concernés. » La mesure doit être la pierre angulaire d’une réforme déplaçant la fiscalité du travail vers le capital. Le PS est aussi favorable à une hausse de la TVA sur les produits de luxe, « la seule qui peut être envisagée ».

Pas question, par contre, d’envisager une taxation de l’épargne ni de mettre en oeuvre la taxe kilométrique car « les conditions ne sont pas réunies ».

3. Gouvernance : sus aux salaires du privé

Après s’être attaqué aux salaires des CEO des entreprises publiques, Elio Di Rupo et les siens vont définitivement ulcérer la Flandre besogneuse en se déclarant favorables à une limitation du salaire des CEO ou à un encadrement des écarts salariaux parfois gigantesques dans le privé. « Le débat sur la tension salariale au sein des entreprises ne doit plus être un tabou ! » clame-t-on chez Paul Magnette. Même si la riposte annoncée est surtout symbolique : « L’écart entre le salaire le plus bas et le plus haut au sein de l’entreprise devrait être publié chaque année dans le rapport parlementaire. » Le Premier devenu candidat poursuivra aussi sa croisade contre les bonus des banquiers, la simplification des produits…

Par contre, plus question de réduire le salaire des ministres et des parlementaires : « Ceux-ci ont déjà été réduits de 5% au cours de cette législature. »

Elio Di Rupo pourra encore mener ouvertement campagne pour la circonscription fédérale – il s’en était déclaré partisan « à titre personnel », son parti le suit désormais – et pour le tirage au sort de groupes citoyens pour consultation sur certains dossiers sensibles « comme la légalisation du cannabis, par exemple ».

4. Institutionnel : rien de rien Le Premier ministre se pose en « sauveur de l’État belge », pas question dès lors de prévoir un big-bang institutionnel, ni même de s’y préparer pour l’avenir. Entamer les discussions au Sénat avec les partis flamands pour anticiper une septième réforme de l’État ? « Défavorable », reconnaît Magnette, qui ne se dit prêt qu’à parler de certaines réformes mineures, « mais on est clairement dans un autre registre que celui d’une hypothétique septième réforme de l’État ». La N-VA et certains CD&V sont pourtant demandeurs.

Soucieux des équilibres actuels, le PS adopte un ton conservateur au niveau intrafrancophone. Une ministre-présidence distincte pour la Région wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce qui réjouirait le Liégeois Jean-Claude Marcourt ? « Défavorable. » Une régionalisation de l’enseignement, prônée par le même, qui est candidat ministre-président wallon ? « Défavorable. Ce n’est pas la priorité actuelle. Toute transformation de l’école ne peut venir que du terrain. » Faut-il préparer activement la structuration de la Fédération Wallonie-Bruxelles en cas d’indépendance de la Flandre ? « Défavorable. » Le « plan B », martelé régulièrement par le PS durant la crise de 2007-2011, est bel et bien mort.

Quant au Roi… « Le PS est ouvert à la discussion quant au fait d’aligner le droit (sanction et promulgation royales par exemple) sur la pratique (en réalité c’est automatique et n’est donc pas lié à un quelconque pouvoir du Roi), mais est favorable au maintien du rôle de médiateur du chef de l’État dans la formation des gouvernements ». Philippe Ier peut respirer.

5. Oui à l’immigration économique Là aussi, le Premier ministre s’engage à revoir une décision prise sous cette législature mais… par une majorité parlementaire alternative liant MR, CDH à leurs partis frères et à la N-VA pour durcir l’accès à la nationalité belge. « Il faut évaluer cette réforme, dit-on prudemment au PS. Mais il faut d’ores et déjà assouplir les conditions notamment de connaissance écrite de la langue pour les analphabètes. » Par contre, pas de régularisation généralisée des Afghans ou des Syriens comme le réclament des mouvements citoyens : priorité aux « procédures individuelles, menées par des instances indépendantes », autrement dit, la ligne Maggie De Block.

Réaliste sur le sujet, le PS est favorable à un renforcement des parcours d’intégration francophones et s’accorde sur la nécessité d’intensifier l’immigration économique : « Il en va de la bonne santé économique des entreprises. » Les partisans de la laïcité seront par contre déçus d’apprendre qu’Elio Di Rupo n’embrayera pas sur le débat français : pas question d’une charte de la laïcité à l’école.

En matière d’environnement, le Premier ministre rejoint la volonté Ecolo d’isoler 100% des habitations d’ici dix ans mais refusera de revoir le calendrier de sortie du nucléaire ou d’installer mille éoliennes sur le sol wallon, « un objectif trop ambitieux vu la densité de la population ».

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