Pierre Havaux

La vraie fausse gauche est en berne

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Qui l’eût cru ? Dans les sondages, c’est le PS qui résiste le plus mal à l’impopularité du cocktail d’austérité-rigueur imposé par le gouvernement fédéral. Le monde du travail a encore plus de mal à avaler la potion quand elle est largement préparée par la gauche.

Un quart de siècle au pouvoir sans interruption, ça use, ça use. Mais cette fois, le PS sent son vernis craquer dangereusement.

Le baromètre politique Ipsos/Le Soir/RTL confirme dans son dernier bulletin météo que la gauche traditionnelle entre doucement en zone de turbulences. Le ciel politique de l’automne 2012 reste certes foncièrement teinté de rouge au sud du pays, mais il a tendance à virer au bleu. Un bleu libéral, version MR, qui reprend des couleurs tant en Wallonie qu’à Bruxelles surtout. Coup de mou au PS.

Quand les temps sont durs, ils sont politiquement plus cléments pour la droite que pour la gauche.

La rigueur, pour ne pas dire l’austérité, n’est jamais la tasse de thé de la gauche. Surtout si le monde du travail a plus que l’impression, carrément la conviction, qu’il est le premier à se serrer la ceinture. Que c’est lui qui doit payer les pots cassés d’une crise pour laquelle il plaide non coupable.

Forcément, quand Di Rupo Ier lui présente la facture, on grogne dans les chaumières. Chacun fait ses comptes. Et lorgne avec envie sur le portefeuille de ceux qui sont épargnés. Sondés par Dedicated pour la Libre/RTBF, 3.000 Belges ne s’y trompent pas. La modération salariale, c’est pour leur pomme. Mais pas d’impôt sur les grosses fortunes ? Inacceptable pour 76% d’entre eux. Pas de cotisation de crise ciblée pour les plus nantis ? 69% de déçus.

En somme, « faites payer la crise aux riches. » Pile poil le slogan fétiche de la gauche radicale. Celle qu’incarne le PTB, le seul parti avec le MR à progresser de façon significative en Wallonie, dans les derniers sondages. Un signe qui ne trompe pas.

Le PS marque le pas, accuse le coup. Comme si « sa » gauche, acculée à la défensive, perdait pied. Impuissante à renverser la vapeur, à éviter que les travailleurs, son core-business électoral, ne prennent tous les coups. Sa politique du sauve-qui-peut s’étale au grand jour, et son ministre wallon de l’économie s’y colle aujourd’hui : Jean-Claude Marcourt qui doit rappliquer dare-dare d’Australie pour voler au secours du site liégeois d’ArcelorMittal. Triste programme.

La gauche au pouvoir ne paraît plus être que l’ombre d’elle-même au sein d’un gouvernement clairement perçu par l’opinion publique comme de centre-droit. Où le partenaire libéral semble plus à l’aise dans ses baskets.

Et cette fois, plus de Jean-Luc Dehaene pour personnifier l’austérité comme dans les années 1990. Fini pour le partenaire socialiste de s’abriter derrière la masse du Premier ministre CVP pour vendre à l’opinion « la sale besogne. » Aujourd’hui, c’est un wallon et un socialiste qui figure dans le rôle du « méchant » au 16 rue de la Loi. Exposition maximale pour Elio Di Rupo. Dont l’étoile pâlit aussi dans les sondages.

Et face à une Flandre toujours sous le charme de la droite nationaliste, la voie du PS paraît sans véritable issue.

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