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La tuyauterie linguistique plombe la réalisation du RER

Le Vif

La mise à quatre voies de la ligne 124 entre Bruxelles et Nivelles, à hauteur d’Uccle, est actuellement compromise à la suite de deux décisions de la dixième Chambre (néerlandophone) du Conseil d’Etat qui a annulé à deux reprises le permis de bâtir délivré par la Région bruxelloise.

Motif invoqué : le projet concerne indirectement la Région flamande parce qu’une petite partie de la gare de Linkebeek non directement concernée par les travaux est située sur son territoire. Les documents officiels de l’enquête publique auraient donc être de ce fait présentés uniquement en néerlandais à Bruxelles. Le ministre-président bruxellois, Charles Picqué, s’est dit consterné.

Selon le cabinet de M. Picqué, interrogé mardi, le tronçon en question est très précisément long de 1.307 mètres situés exclusivement sur le territoire de la Région bruxelloise entre la rue des Bigarreaux et la limite la séparant de la Région flamande.

La gare de Linkebeek, située dans sa plus grande partie en Région bruxelloise, est concernée par le permis, à ceci près que la partie de cette infrastructure située en Flandre ne subira nullement de transformation liée à la mise à quatre voies.

Cela n’a pas empêché la dixième chambre (flamande) du Conseil d’Etat d’annuler à deux reprises le permis demandé par Infrabel et délivré par le fonctionnaire-délégué de la Région bruxelloise, à la suite du recours, en 2008, d’un particulier néerlandophone. Celui-ci avait émis des doutes sur la régularité de la procédure dès lors que les documents de l’enquête publique n’avaient pas été rédigés dans les deux langues. Le Conseil d’Etat est allé plus loin.

Dans un premier arrêt, rendu le 20 décembre 2010, il a jugé que les lois linguistiques imposent que lorsqu’un dossier concerne à la fois la Région-capitale et une des autres Régions, c’est la langue de l’autre Région qui doit être utilisée pour la rédaction et le traitement du dossier, en l’occurrence la Région flamande.

Le fonctionnaire-délégué de la Région bruxelloise a enduite délivré un nouveau permis estimant que le dossier concerne une affaire localisée ou localisable uniquement en Région bruxelloise.

Sur un nouveau recours du même particulier, la même chambre du Conseil d’Etat a annulé le nouveau permis car les travaux sont selon elle liés à ceux qui concernent le bâtiment situé (ndlr: en partie) sur le territoire de la Région flamande.

Soulignant qu’il n’avait pas pour habitude de commenter les décisions de justice, Charles Picqué a tenu à dénoncer mardi « une absurdité juridique basée sur une interprétation stricte de la loi sur l’emploi des langues en dépit du bon sens et de l’intérêt général ».

Pour lui, la gestion d’un projet d’intérêt général est « mise à mal par des considérations linguistiques incompréhensibles et on ne peut que s’étonner de voir des magistrats adopter des positions qui semblent plus relever du parti-pris politique que du contrôle objectif de la légalité au détriment des besoins de l’ensemble de la population quelque soit son appartenance linguistique ».

Toujours selon le ministre-président bruxellois, la situation est d’autant plus absurde que, selon cette jurisprudence du Conseil d’État, Infrabel et la Région bruxelloise devraient reprendre la procédure depuis le début, non seulement pour la demande de permis d’urbanisme mais également pour l’étude d’incidence, et que celle-ci devrait avoir lieu exclusivement en néerlandais.

Pour M. Picqué, s’il est vrai que les citoyens concernés par des travaux sur le territoire de la Région bruxelloise doivent pouvoir consulter le dossier dans les deux langues nationales pendant l’enquête publique, c’est un non sens d’introduire un permis exclusivement en néerlandais dans une Région bilingue, qui plus est, pour une ligne de RER reliant Bruxelles à la Wallonie.

D’après lui, la Région bruxelloise et Infrabel recherchent actuellement des solutions qui permettraient d’éviter l’arrêt des travaux et d’importants retards dans leur réalisation.

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