Gérald Papy

La tornade Renzi, remèdeau malaise européen?

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Une thérapie de choc. Telle est la formule la plus appropriée pour décrire le régime auquel Matteo Renzi, appelé à former le gouvernement, veut soumettre l’Italie malade.

Réforme institutionnelle en février, du marché du travail en mars, de l’administration publique et de la fiscalité d’ici à la fin du mois de mai : le jeune chef du Parti démocrate révolutionnerait en quatre mois la péninsule, là où ses prédécesseurs ont échoué pendant des années. Illusion ? Echaudés par la procédure à la hussarde dont il a usé pour se débarrasser de son collègue de parti et chef de gouvernement Enrico Letta, les détracteurs de Renzi doutent qu’il ait les moyens de ses ambitions démesurées.

L’incertitude est fondée dans une conjoncture où, le Parti démocrate reconduisant la coalition sortante, il doit, d’une part, composer avec le Nouveau Centre-droit, dissidence du parti de Silvio Berlusconi, et d’autre part, ménager le Cavaliere et les élus qui lui sont restés fidèles pour forger la majorité nécessaire à la réforme électorale. Quand un accord en ce sens a été conclu en janvier, des voix se sont élevées à gauche pour déplorer que Matteo Renzi remette en selle un « repris de justice ». Assurément, le Premier ministre n’est pas au bout de ses compromissions douloureuses avec la realpolitik. Mais il n’est pas non plus dépourvu d’atouts. Les deux partenaires de la future coalition, le Nouveau Centre-droit d’Angelino Alfano et le Choix civique, rassemblant les héritiers de Mario Monti, sont des formations jeunes dont la popularité bénéficierait sans doute du prestige de réalisations concrètes et de la marginalisation du Mouvement 5 étoiles, populiste, du bouffon Beppe Grillo.

Et si, au-delà des particularismes transalpins, le phénomène Matteo Renzi était tout simplement dans l’air du temps européen ? Et l’expression d’une aspiration à l’émergence de leaders mus par le pragmatisme plus que par les idéologies, et n’hésitant pas à transcender les clivages traditionnels ? De droite ou de gauche, beaucoup de dirigeants européens sont taxés, à tort ou à raison, d’impuissance face aux défis de la crise. Tergiversation, demi-mesures, procrastination, absence de souffle et d’objectif… : ils pèchent par manque d’audace et alimenteraient le flot des mécontents et le vote aux extrêmes. Matteo Renzi l’a-t-il compris ? Justifie-t-il l’urgence qu’il imprime à son action par l’impératif d’éviter que ne se crée un gouffre plus profond entre le citoyen et le politique?

Là où l’on ne suspectait qu’ambition personnelle et maestria médiatique, il faudrait bien alors reconnaître à Matteo Renzi le courage politique qui fait défaut à tant de dirigeants tant il apparaît que c’est sa carrière qu’il joue dans ce coup de poker politique. L’ex-maire de Florence sera-t-il le Machiavel ou le Savonarole de l’Italie contemporaine ? L’Histoire dira si cet homme pressé, caricaturé en « Renzusconi » de gauche, a oeuvré, au bout du compte, au salut de la péninsule, de l’Europe et de la démocratie.

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