Carl Devos

La suédoise a son sort entre les mains

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Comme les syndicats n’ont pas encore atteint leurs objectifs politiques – changement de (politique) gouvernement(ale) – il est logique qu’ils poursuivront leurs actions l’année prochaine. Car ils ont mis la barre très – trop ! – haut.

Chaque fois que Kris Peeters, qui est censé négocier avec les partenaires sociaux et ses propres partenaires au sein du gouvernement, met sur la table des ajustements significatifs, les syndicats les balayent aussitôt du revers de la main. Ils veulent s’en prendre aux fondements mêmes de la politique du gouvernement Michel. On n’en arrivera sans doute pas là. A moins que l’opposition se poursuive et se durcisse encore.

Pour l’heure, le front syndical reste fermé. La tentative entreprise par la N-VA de réduire le mouvement de protestation à la simple opposition entre les modèles PS et N-VA ne tient pas la route. En Flandre, en effet, le président de la CSC, Marc Leemans, se montre très ferme. Mais au sein du gouvernement, on estime que la FGTB/ABVV ne prendra jamais vraiment place à table, alors que les syndicats chrétien et libéral pourraient s’y résoudre. Si la négociation s’avère impossible, le gouvernement décidera seul, a déclaré Kris Peeters la semaine dernière devant la Chambre. Dans un tel scénario, c’est le CD&V qui devra, en quelque sorte, jouer le rôle de la CSC au sein du gouvernement. Dès lors, tous les partis de la majorité préféreraient que les partenaires sociaux trouvent un accord pour la mise en oeuvre de la politique de crise.

Entre-temps, les partis au pouvoir n’ont pas changé le moindre iota aux fondements de leur politique gouvernementale. Que vont faire les syndicats à présent ? Vont-ils encore durcir le ton ? La grève générale de ce 15 décembre n’était pas le point d’orgue de la contestation. Celui-ci interviendra en 2015. Si la grande lutte est désamorcée l’an prochain, le gouvernement remportera la partie puisque la balle se trouve dans son camp. Rien ne permet en effet d’affirmer que les syndicats pourront maintenir et intensifier la lutte.

L’équipe Michel a franchi le premier cap et a serré les rangs. Les partis de la majorité se défendent dos à dos. Le gouvernement Di Rupo avait débuté le 6 décembre 2011 et il avait fallu attendre le printemps 2013 pour le voir entamer sa contre-offensive face à la N-VA. Quelques mois à peine après l’investiture de l’exécutif conduit par Charles Michel, les partis de la majorité se sont déjà trouvés. Finies les incessantes oppositions intestines. Les présidents de partis flamands – hormis Wouter Beke, qui occupe la position la plus délicate – se jettent résolument dans la lutte. Plus encore qu’il y a quelques semaines, cette coalition apparaît impossible à désarticuler. Côté flamand, le CD&V est le flanc vulnérable, mais il semble respecter la ligne gouvernementale. Reste à savoir si le MR pourra continuer à affronter la forte résistance du côté francophone.

Aujourd’hui, les partis flamands de la majorité devront aider le MR à combattre les autres partis francophones.

Par ailleurs, le gouvernement tient son sort entre ses propres mains. Les efforts du printemps ne peuvent plus provenir des seules mesures d’économie : de nouvelles sources de revenus sont nécessaires. Ainsi, l’exécutif peut s’atteler au fameux impôt sur la fortune, dossier hautement symbolique s’il en est. Cet impôt ne rapportera pas grand-chose, il ne rendra pas les autres mesures superflues mais il est un investissement dans l’acceptation d’une politique gouvernementale difficile. Et dans l’apaisement. L’équipe Michel même y a tout intérêt.

Le 6 décembre 2011, Elio Di Rupo avait dit aux francophones de son gouvernement qu’ils aideraient les partis flamands de la coalition à lutter contre la N-VA. Aujourd’hui, les partis flamands de la majorité devront aider le MR à combattre les autres partis francophones. Une nouvelle vague de mesures pénibles sans aucune ouverture à l’égard de l’opposition ne serait pas pour leur faciliter la tâche.

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