La Belgique se classe en 10e position des pays les mieux réputés. © iStock

« La structure du modèle belge n’est pas démocratique »

Remi Vermerein, ex-banquier flamingant et séparatiste, retape sur le clou indépendantiste : « Belges, finissons-en ! » Le plus vite sera le mieux. Pour les Flamands comme les Wallons…

Il y a dix ans, il allumait le feu avec un manifeste indépendantiste dont il était l’inspirateur pour le compte d’un think tank nommé « in de Warande. » Aujourd’hui, son nouveau plaidoyer en faveur de l’indépendance de la Flandre ne fait plus que lever ou froncer quelques sourcils. Signe que l’idée fait son chemin dans les esprits…

A 75 ans, Remi Vermeiren, 43 ans passés au service de la KBC dont il a été le président, ressort son plan B qu’il a remis au goût du jour. L’ex-banquier séparatiste n’a rien du flamingant exalté. A grand renfort de chiffres, de graphiques et de tableaux, son analyse mène à cette conclusion prémâchée, qu’il expose sobrement, cliniquement : la Belgique est un échec économique et démocratique cuisant et le restera. Puisque tout sépare Flamands et Wallons, finissons-en. Et au plus vite.

Le Vif/L’Express : by-bye Belgium, « there is no alternative » ?

Remi Vermeiren. Je ne crois pas effectivement qu’il y ait une meilleure alternative. Pour la Flandre mais aussi, en fin de compte, pour la Wallonie et pour Bruxelles. Compte tenu, cela va de soi, des conditions qui seront liées à une telle séparation.

Cette séparation serait une opération win-win pour les Flamands et pour les francophones ?

La Flandre, selon moi, n’a rien à gagner à rester dans cette constellation belge qui ne produit rien d’efficient pour elle. Le nord du pays n’en a pas besoin économiquement et à terme, il gagnera en ouverture et en assurance à être indépendant. Mais ce constat n’est pas nécessairement désavantageux pour la Wallonie et Bruxelles : dans le cadre d’un accord, le sud du pays pourra être financièrement aidé.

La structure du modèle belge n’est pas bonne, elle n’est pas démocratique, elle est trop complexe et par conséquent inefficiente. Il existe un déficit de responsabilité financière dans le chef des entités régionales, qui dépensent de l’argent qu’elles ne doivent pas collecter. Il est toujours facile pour un homme politique d’annoncer des dépenses quand il ne doit pas annoncer des impôts pour les financer. Et la sixième réforme de l’Etat ne modifie pas ce fait. Je ne le reproche pas au PS ni aux Wallons en particulier.

Tout de même, la Wallonie va mieux. Cela ne change pas la donne ?

Non. Le fossé entre Flandre et Wallonie reste très important. Si la Wallonie va sans doute mieux, cette amélioration est limitée et sera peut-être temporaire. Et quand bien même : cette amélioration n’est pas un argument suffisant pour maintenir la Belgique.

Dans ce cas, la Wallonie, voire Bruxelles, pourraient vouloir rejoindre la France…

Ce serait le droit le plus strict des Wallons d’exprimer ce souhait. Reste à vérifier si les Français se montreront enthousiastes à cette perspective. Bruxelles, c’est autre chose : la Flandre devrait pouvoir s’opposer à cette perspective. Je ne vois d’ailleurs pas l’avantage que Bruxelles aurait à rallier la France, elle y perdrait son statut de capitale de l’Europe. Bruxelles doit devenir une sorte de Washington DC, au-dessus de la mêlée des Etats.

Tout en restant, logiquement selon vous, la capitale de la Flandre…

Psychologiquement, les Flamands auraient du mal à abandonner Bruxelles. La Flandre pourrait décider que Bruxelles reste sa capitale juridique, le siège de son gouvernement et de son administration. Même si Anvers est incontestablement plus importante pour la Flandre que Bruxelles, dans bien des domaines. Aux Pays-Bas, La Haye est la capitale juridique, alors qu’Amsterdam est la capitale économique. Libre aussi à la Wallonie de faire de Bruxelles sa capitale.

Bruxelles deviendrait ainsi une ville-Etat, elle s’enrichirait à devenir une ville trilingue. Une cogestion de Bruxelles par la Flandre et la Wallonie ne serait pas une situation saine. Un politicien de Bruges ne doit pas se mêler de la gestion des affaires bruxelloises.

La N-VA pourrait connaître le même sort que la VU ?

C’est possible. Je le crains, sans pouvoir dire si cela se produira.

Vous avez l’occasion de discuter de votre position, au sein de la N-VA ?

Je connais bien certaines personnes au sein du parti, qui apprécient mon point de vue.

Jan Jambon, ministre N-VA de l’Intérieur, et son chef de cabinet, Herman De Bode, ont jadis signé le manifeste indépendantiste de la Warande. Ils partagent toujours votre dernière analyse ?

Herman De Bode, qui est un ami, certainement. Probablement aussi Jan Jambon, avec lequel je n’en ai pas discuté. Mais il est aujourd’hui un homme politique, il doit être réaliste et prudent, vis-à-vis de ses électeurs comme à l’égard à sa fonction ministérielle.

Le Mouvement flamand ne respire plus la forme…

Il paraît en effet fatigué, il s’éparpille, il est un peu groggy.

Vous agissez dans la coulisse pour rallier les entrepreneurs flamands à vos vues ?

Je vais parler là où on m’invite. Vous savez, les patrons ont bien d’autres chats à fouetter que de lire mon livre. La plupart éprouvent une sympathie de base pour ma thèse mais les entrepreneurs sont avant tout des gens pragmatiques. Ils pensent à l’intérêt de leur entreprise dans les trois, quatre ou cinq ans à venir. Ils sont rarement attirés par la politique, ils préfèrent garder leurs distances.

Ne devriez-vous pas commencer par convaincre les acteurs politiques et économiques wallons ? A moins que ce ne soit mission impossible ?

Je le crains (sourire.) J’ai 75 ans, je ne me sens pas l’âme d’un missionnaire. Je me contente de donner mon avis. Mon livre n’est d’ailleurs pas connu dans les milieux wallons.

Vous pourriez le faire traduire en français pour éclairer les francophones…

Une version française de mon ouvrage existe mais je n’ai pas trouvé d’éditeur francophone intéressé. Je pourrais le faire imprimer à mes frais, mais comment le distribuer ? Si vous avez une piste à me suggérer…

Pourquoi ne vous êtes-vous pas engagé en politique ?

Je n’ai pas le caractère à faire de la politique. Il est difficile d’y rester intellectuellement intègre. Je suis peut-être trop individualiste pour cela.

Votre analyse est la vision d’un homme d’affaires. La Belgique n’est-elle rien d’autre qu’une question d’argent ou est-elle aussi affaire de sentiments ?

Je peux fort bien comprendre que certains soient sentimentalement attachés à la Belgique, comme on peut l’être tout autant à la Flandre. Mais l’enjeu n’est pas tant économique qu’une question de démocratie. Politiquement, le statut de minorité protégée offre aux francophones une position de force trop importante.

L’indépendance est un principe démocratique, et ma démarche est fondamentalement démocratique. Dans mon schéma de séparation, toute personne de nationalité belge pourra choisir la nationalité wallonne, flamande ou bruxelloise, indépendamment de son lieu de naissance ou de son lieu d’habitation au moment de faire son choix.

La vision francophone d’un nationalisme flamand égoïste vous irrite?

Nationalisme ? Je n’aime pas ce terme pour sa connotation égoïste, sectaire. A mes yeux, un nationaliste veille à ses intérêts et aux intérêts de sa propre famille, sans être pour autant contre les intérêts des autres. Penser à ses propres intérêts, écouter sa population, n’a rien d’inhumain. Tous les Etats de l’Union européenne continuent de défendre leurs intérêts nationaux.

Auriez-vous raison trop tôt ?

Je n’en sais rien. Le jour où deux tiers des Flamands seront pour l’indépendance… Je ne l’exclus pas un jour. Le Flamand est souvent tourné sur lui-même. Les régimes étrangers qu’il a connus, espagnol, autrichien, français, néerlandais, expliquent sa méfiance et son rejet de l’autorité publique et sa posture défensive.

Je pense d’ailleurs que si un jour il y a séparation de la Belgique, l’initiative viendra de Bruxelles ou de la Wallonie. C’est une question de mentalités. Les hommes politiques francophones sont plus assertifs, ils regardent plus loin, font davantage bloc lorsqu’il est question de communautaire. Ce n’est pas illogique, ils sont moins nombreux, ils sentent qu’ils doivent s’unir face à une majorité. l

Remi Vermeiren, « België, de onmogelijke opdracht. Vlaamse onafhankelijkheid. Recht, behoefte en noodzaak » éd. Pelckmans,2014.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, l’autre partie de l’entretien : « Toute la dette publique est dues aux déficits wallons »

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