Jacqueline Galant. © Belga

La SNCB, bombe politique

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La modernisation des chemins de fer promise par la ministre de la Mobilité Jacqueline Galant se fait attendre. Et pour cause : le dossier est explosif. Si rien ne bouge, la société risque pourtant d’imploser. L’été sera chaud sur le rail.

« Oui, c’est un dossier hyper miné. » Dans les couloirs du 16, rue de la Loi, on ne s’en cache pas : la modernisation annoncée de la SNCB est une bombe à fragmentation potentielle pour la majorité fédérale. Voilà pourquoi la grande oeuvre de Jacqueline Galant se fait attendre. La détermination de réformer en profondeur reste toutefois intacte, précise-t-on, avec la volonté d’atterrir avant le 21 juillet. « Car à terme, si on ne fait rien, c’est simple : la société risque d’exploser ! » « Nos trains vont droit dans le mur », traduit la ministre MR de la Mobilité, qui avait annoncé de façon maladroite en début de législature une économie sur cinq ans de 2,1 milliards d’euros.

Depuis que cette dernière planche sur son plan de réforme, ses partenaires de coalition multiplient les pressions : l’Open VLD et la N-VA réclament l’instauration d’un service minimum ou évoquent le spectre d’une privatisation partielle du rail, le CD&V met en garde sur le maintien de l’emploi, tous évoquent la nécessité de dépolitiser la SNCB… en veillant de près à leur représentation au sein du conseil d’administration. Le patron du rail, Jo Cornu, multiplie quant à lui les ballons d’essai, études de « benchmarking » et audit à l’appui : augmentation des tarifs, réduction du personnel… « Réformer la SNCB, c’est une équation périlleuse à plusieurs inconnues, voilà pourquoi c’est si compliqué », résume Henry-Jean Gathon, professeur spécialiste de l’économie des transports à HEC/ ULg.

Voici trois ans, le ministre des Entreprises publiques d’alors, Paul Magnette (PS), avait modifié en profondeur la structure des chemins de fer en ramenant de trois à deux le nombre de structures : l’exploitation à la SNCB, les infrastructures à Infrabel. « C’était avant tout la correction d’une erreur de conception du modèle initiée en 2004, qui avait été lui-même imposé par l’Europe, souligne Henry-Jean Gathon. Bien sûr, cela avait engendré quelques économies structurelles. Mais la dernière grande réforme remonte aux années 1980, quand Herman De Croo était ministre. » Le plan « IC/IR » de l’époque était – déjà… – le fruit du désinvestissement progressif de l’Etat et, sous influence libérale anglo-saxonne, de l’abandon d’une vision « socialiste ».

Socialement, toute modification est politiquement très délicate dans une entreprise employant 34 000 personnes. Inutile de dire que les syndicats sont déjà sur le sentier de la guerre. « Nous ne parlons pas trop des vacances dans notre organisation, ironise Michel Abdissi, président de la CGSP Cheminots. Car nous nous attendons au pire cet été. »

 » Le problème, c’est que dès que l’on veut toucher à quelque chose, on risque d’avoir deux cent syndicalistes qui bloquent les rails », raille-t-on au sein de la suédoise. Voilà pourquoi, dit-on dans les syndicats, Jacqueline Galant pourrait sortir sa réforme au début de l’été, quand un rail à l’arrêt sera un peu moins dommageable pour l’économie.

« Nous sommes à la croisée des chemins, insiste Henry-Jean Gathon. Soit on rend le système ferroviaire compatible avec les finances publiques belges, soit il explosera. Indépendamment du projet de libéralisation européen à l’horizon 2019, la situation actuelle n’est en effet plus tenable. Or, si explosion il y a, on confiera cela au secteur privé, ce qui n’est à mes yeux pas souhaitable. »

Le dossier complet dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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