Gérald Papy

La sanction contre Obama

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

« It’s the economy, stupid ». La maxime qui tient pour acquis que l’économie est de tout temps la première préoccupation d’un électeur américain fut popularisée par James Carville, un conseiller en stratégie du candidat démocrate à l’élection présidentielle de 1992.

Bill Clinton s’en inspira et il fut élu au détriment de George Bush père auquel beaucoup d’observateurs promettaient un second mandat après le succès des Etats-Unis et de leurs alliés lors de la première guerre du Golfe, un an plus tôt. C’est en grande partie pour avoir négligé ce précepte que Barack Obama et les démocrates ont subi, le mardi 2 novembre, un cuisant échec lors du renouvellement d’un tiers des membres du Sénat et de l’ensemble des députés de la Chambre des représentants.

L’héritage légué par son prédécesseur, George Bush Junior, était, il est vrai, lourd de menaces pour l’économie de la première puissance mondiale au moment de l’investiture du nouveau président démocrate. Les économistes dans l’entourage de Barack Obama et au sein du gouvernement ne pouvaient pourtant pas ignorer que la crise des subprimes, la débâcle financière et la dégradation de la conjoncture économique qui s’en est suivie ne suspendraient pas leurs effets dévastateurs une fois le jeune président installé. Oublieux de cette paternité républicaine, trop d’Américains, dans l’entendement démocrate, ont jugé qu’en 2010 c’était le président en exercice qui était responsable de leur misère sociale. A leurs yeux, en vingt-deux mois, le président Obama n’a pas suffisamment agi pour lutter contre la détérioration du marché de l’emploi (le chômage atteint le taux, inhabituel pour les Etats-Unis, de 9,6 %), là où des experts prétendent que son action a permis d’en sauvegarder 8 millions. Et, non sans une évidente contradiction, ils lui ont reproché d’avoir, comparativement, consacré trop d’énergie à faire adopter au forceps une réforme du système de santé qui permettra à 32 millions d’Américains de bénéficier d’une assurance qui leur était inaccessible. Une réforme qu’aucun président n’avait réussi à mener à bien auparavant mais qui ne produira tous ses effets qu’en… 2014.

Cette désillusion, peu perçue en Europe, s’est conjuguée à des facteurs tantôt plutôt symboliques (l’impression que Barack Obama, une fois au pouvoir, s’est coupé des réalités quotidiennes de la population), tantôt éminemment politiques (la création du mouvement ultraconservateur Tea Party non dénué d’accents racistes) pour infliger aux démocrates à la Chambre des représentants une défaite plus cinglante encore que celle de… Bill Clinton, en 1994 (voir en page 82). Barack Obama trouvera sans doute des raisons de continuer à croire à son avenir présidentiel dans la réélection de celui-ci deux ans plus tard face à Robert Dole. Le sauvetage de la majorité démocrate au Sénat et l’émergence d’un Tea Party plus perturbateur que fédérateur dans le camp républicain lui donnent des arguments pour s’en convaincre. Mais l’important pour la bonne marche de la planète réside plus dans la capacité de la première puissance mondiale à mener une politique cohérente, potentiellement écornée par cette cohabitation forcée, que dans le destin d’un homme, fût-il le premier président noir des Etats-Unis. Il lui reste à sauver sa réforme de la couverture maladie pour démentir ceux qui prédisaient que si son élection à la tête des Etats-Unis était « révolutionnaire », sa présidence ne le serait pas.

Gérald Papy

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