© BELGA

La réforme du chômage continue de diviser, profondément

La réforme du chômage qui doit sortir ses effets le 1er novembre prochain continue de diviser fortement majorité et opposition, et les partenaires sociaux. Pour les uns, l’accentuation de la dégressivité des allocations constituera un incitant dans la recherche d’un emploi, pour les autres elle augmentera la pauvreté.

La réforme du chômage a encore divisé majorité, opposition, et partenaires sociaux ce dimanche sur le plateau de Mise au Point (RTBF).

En vertu de la réforme du gouvernement portée par la ministre de l’Emploi Monica De Coninck (sp.a) -qui n’a pas souhaité participer au débat- l’allocation de chômage passera de 60 à 65% du salaire durant les trois premiers avant de retomber au niveau actuel jusqu’au 14e mois puis de diminuer selon un dégressivité accrue, en fonction du nombre d’années d’emploi. Moins on a travaillé, plus forte sera la dégressivité. Au final, des forfaits sont prévus pour les cohabitants, les isolés et les chefs de ménage.

Le secrétaire d’Etat aux Affaires sociales Philippe Courard (PS) a rappelé que la réforme était le fruit d’un compromis entre six partis de la majorité. Elle vise à inciter à la mise au travail et protéger ceux qui n’en ont pas. Mais, a-t-il averti, elle ne sera « valide », elle n’aura de « sens » qu’à partir du moment où viendront d’autres réformes permettant notamment d’améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

Le président du CPAS de Namur, Philippe Defeyt (Ecolo) est d’avis que le nouveau système est « inefficace » et « injuste ». Jamais la réduction d’allocations de remplacement n’a favorisé la création d’un seul emploi, a-t-il assuré. Par ailleurs, cette réforme touche davantage les femmes, les jeunes et les plus fragiles, a-t-il fait observer. Philippe Defeyt déplore la stigmatisation des demandeurs d’emploi. Parce qu’une minorité d’entre eux triche, on s’en prend à toute la catégorie des chômeurs. C’est comme si le ministre des Finances mettait une amende fiscale à tous les contribuables au motif que certains d’entre eux frauderaient.

Pour Christine Defraigne, chef de groupe MR au Sénat, il n’est pas du tout question de stigmatisation. Simplement, « le chômage est un accident de la vie », cela ne peut pas « être un plan structurel de vie ». Pour autant, convient Mme Defraigne, cette réforme, qui est « également imposée par l’Europe et le FMI », n’est pas suffisante. Il faut également augmenter les salaires de base, par exemple en supprimant les cotisations sur les trois premiers emplois, et améliorer la formation.

Ancien chômeur de longue durée, le secrétaire général de la CSC Claude Rolin invite ceux qui travaillent sur ce type de réformes à saisir la souffrance, notamment psychologique des demandeurs d’emploi. Il réfute l’argument européen, faisant observer que ce que l’UE impose c’est la réduction du taux de pauvreté. Or, selon lui, l’instauration des nouveaux forfaits va faire basculer les allocations en dessous du seuil de pauvreté.

Même son de cloche sur les bancs de la FGTB, le secrétaire général de l’aile wallonne Thierry Bodson critiquant la baisse des allocations pour les chefs de ménage et les isolés, qui représentent la moitié des personnes au chômage. Après moins de trois ans, tous ces chômeurs seront pauvres, a-t-il dit, rappelant par ailleurs les exclusions de bénéficiaires d’allocations d’insertion qui représentent un tiers des chômeurs wallons.

« Faux de dire qu’il y a des emplois pour tout le monde »

Sur le banc patronal, l’administrateur délégué Union Wallonne des Entreprises Vincent Reuter assure que les entreprises s’intéressent au système de chômage non pas animées de la volonté de sanctionner les demandeurs d’emploi mais bien dans le souci de les réinsérer dans le circuit du travail. Et pour ce faire, il faut de l’incitation, une agence de l’emploi efficace en termes de formation et d’accompagnement, et il faut des emplois, a-t-il dit. A cet égard, il est faux de dire qu’il y a des emplois pour tout le monde, a admis Vincent Reuter mais il est tout aussi faux de dire qu’il n’y a pas d’emploi.

A Bruxelles, l’emploi vient d’augmenter de 5,8% alors que dans le même temps la population en âge de travailler a crû de 4%, a souligné le ministre régional Benoît Cerexhe (cdH). La ministre fédérale de l’Emploi a indiqué qu’entre 300 et 400.000 emplois allaient devoir être pourvus en Flandre avec le papy boom, travaillons ensemble, fédéral et Régions, a ajouté le ministre bruxellois.

Mais pour Philippe Defeyt, il y a peu d’emplois et il y a peu d’emplois de qualité, l’essentiel des offres étant à temps partiel. Une femme seule avec un enfant touchera 1.090 euros au chômage, à peine plus qu’au CPAS (1050 euros). Se retrouvant avec un contrat « titres-services », elle touchera 890 euros.

Formation et accompagnement

Enfin, le débat s’est également attardé sur la problématique de la formation et de l’accompagnement, nombre de demandeurs d’emploi souffrant d’un déficit de qualification alors qu’une quantité d’offres reste non pourvue.

Depuis deux ans, le Forem a amélioré son dispositif, a indiqué Thierry Bodson, membre du Comité de gestion de l’organisme. Chaque accompagnateur dispose d’un portefeuille de 400 demandeurs d’emploi; tous bénéficient d’un accompagnement individualisé.

Mais pour Christine Defraigne, ce n’est pas assez. Le Forem qui emploie 4.000 personnes reste une « usile à gaz », a-t-elle affirmé.

A Bruxelles, l’accompagnement est devenu obligatoire pour tous les demandeurs d’emploi âgés de moins de 25 ans, a dit Benoît Cerexhe.

Mais il faut travailler plus encore sur la formation, faire une « relance intelligente », a rétorqué Claude Rolin, Bruxelles souffrant de l’échec scolaire.

Levif.be, avec Belga

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire