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La qualité de notre alimentation est menacée par les visées du lobby industriel

Dans son magazine, que nous avons lu en primeur, Test-Achats cible en particulier la  » modernisation  » entreprise par la Belgique de 45 arrêtés-royaux sur une série de produits alimentaires.

Depuis plus d’un an, sous l’impulsion de Kris Peeters, la Belgique a engagé un processus de révision d’une tripotée d’Arrêtés Royaux remontant à 2004 ou plus loin. Ces 45 textes législatifs visés par les services du Ministre de l’Economie et des Consommateurs balaient un large champ de nos produits alimentaires quotidiens. Cela va des normes de préparation de la viande à celles de la confiture en passant par l’utilisation des arômes, des sucres mais aussi la qualité des huiles, du vin, du café, du pain, de la glace, etc. A ce jour, un seul de ces arrêtés royaux a été adapté : celui concernant la composition de notre mayonnaise. Tout fiérot, Kris Peeters s’était délecté de sa « loi mayonnaise ». Elle fouettait la composition de notre sauce nationale par une réduction de 10% de sa teneur en huile et de 2,5% de jaune d’oeufs. Par souci de santé publique soutenait alors l’huile ministérielle.

Un argument que déglingue Test-Achats dans son numéro de novembre. Le magazine des consommateurs y voit surtout un cadeau fait au lobby de l’industrie alimentaire vu qu’une telle modification de composition, sans être plus saine, permet surtout des coûts de fabrication moins chers pour être plus concurrentiel. Cette modification symboliserait l’estompement des normes sur la qualité alimentaire au royaume de la frite. « Quand on diminue la quantité de graisses naturelles ou de jaunes d’oeufs, c’est souvent au profit de plus d’additifs ou de sucres encore moins bons pour la santé. Tirer nos aliments vers le bas ne va jamais augmenter la qualité des produits ou de la santé publique », souligne Julie Frère la porte-parole du magazine. L’association des consommateurs perçoit aujourd’hui la persistance de cette tendance laxiste dans le processus de révision des 44 autres Arrêtés Royaux dont celui sur le cacao-chocolat. Le magazine s’est invité au débat sur le beau brun savoureux en formulant des recommandations sur des appellations, des compositions de produits, mais sans grand succès jusqu’ici, sauf d’avoir sauvé une mention « imitation chocolat » pour ses ersatz. En l’état, le projet d’arrêté royal « chocolat » fait fondre la teneur d’infos précises sur la nature et la qualité de cette autre fierté nationale.

Le plus petit dénominateur commun

Le hic est que la réglementation européenne et ses directives ne définissent qu’un cadre large. « Il existe un règlement européen d’application directe dans tous les pays notamment sur l’étiquetage mais certaines choses ne sont pas réglées spécifiquement par ce règlement comme les produits artisanaux, les minima de tel ou tel ingrédient dans une composition. D’où l’adaptation entreprise par la Belgique sur ses 45 arrêtés-royaux qui suit la tendance à une harmonisation, un nivellement, vers le bas au nom de la compétitivité et en choisissant le plus petit dénominateur commun en terme de qualité alimentaire « , déplore la chargée de communication de Test-Achats.

Mais l’association de consommateurs compte bien tôt ou tard engranger de nouveaux succès, entre autres, sur le terrain de l’étiquetage de qualité soumis à des règles strictes avec composition et appellation claires. Comme quand elle a coincé Danone pour info mensongère sur ses pots de Danino. La marque vantait à coup d’images sur son emballage les beaux fruits que contenait son yaourt… pourtant présents à seulement 0,01% dans sa composition. Depuis cette plainte, les yaourts incriminés contiennent 6% de vrais fruits… Mais encore trop de sucre. Le lobby consumériste poursuit aussi son combat sur les appellations, notamment artisanales, les compositions claires où rien qu’à la lecture des ingrédients le consommateur peut instantanément évaluer la qualité nutritionnelle d’un produit.

En attendant un Nutriscore

Les défenseurs des consommateurs aimeraient à cet égard enrichir leur panoplie anti-enfumage industriel de deux outils. « Depuis 2009 est sur la table un proposition de « profil nutritionnel global « , explique Julie Frère de Test-Achats. Son principe serait qu’un produit alimentaire affichant dans sa globalité un mauvais profil nutritionnel ne pourrait plus vanter certaines de ses qualités. Par exemple, une marque de chocolat en poudre à la proportion de sucre très élevée, donc de qualité nutritionnelle globale médiocre ne pourrait plus parallèlement mettre en avant son apport éventuel en fer, calcium, etc « . Autre arme pour rencontrer la soif d’infos sérieuses de la part des consommateurs : le Nutriscore. « En dépit du lobby alimentaire, la France a mis en place depuis 2016 cet outil d’analyse performant d’une large gamme de produits alimentaires sur base de critères positifs ou négatifs. Le nutriscore établit un ordre de qualité de A à E estampillé sur les emballages avec ces codes couleurs. Grâce à cela, en un coup d’oeil, le client connaît la qualité nutritionnelle des aliments qu’il achète « .

Autant d’initiatives que pourrait prendre la Belgique au moment où les consommateurs sont plus que demandeurs de transparence et de sérieux en matière d’alimentation. Mais, comme le dit Julie Frère la porte-parole de Test-Achats, « pour avancer, il faut une industrie ouverte au dialogue et des acteurs politiques forts, courageux, dans la réglementation alimentaire « . Ce qui apparemment est encore loin d’être le cas au royaume de la mayonnaise et du chocolat.

Par Fernand Letist

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