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La politique, cet univers impitoyable

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le départ du roi Albert II à un âge respectable, le cancer de Marie-Dominique Simonet et l’épuisement d’Elio Di Rupo illustrent combien la politique est aussi un monde cruel. Avec des jeux de pouvoir, oui, mais aussi des convictions. Où l’on paye de sa personne!

L’air du temps est souvent aux critiques assassines à l’égard du personnel politique. Dit de façon à peine caricaturale : ils seraient bien (trop) payés pour finalement ne pas apporter les réponses attendues par la population aux problèmes de l’heure. Dans une société de plus en plus complexe, ils manqueraient de projet et ne songeraient qu’à leur popularité.

La critique est saine en démocratie. Elle fait même avancer les choses. Oui, la politique est un univers de coups bas, d’egos surdimensionnés, de rivalités assassines. Et oui, ceux qui en font partie y trouvent les avantages du pouvoir, qu’ils soient financiers ou personnels.

Mais qu’il soit permis aussi en cette fin de semaine d’apporter un éclairage plus humain. Pour saluer aussi le fait que certains se tuent à la tâche pour le bien commun.

Ainsi, donc, notre bon vieux roi a-t-il décidé de passer la main à son fils Philippe à près de 80 ans. Il n’avançait plus, Albert, incapable de se déplacer suffisamment longtemps pour encore représenter son pays et assumer ses fonctions comme il le voudrait. Il a donc suivi l’exemple du pape ou de la reine des Pays-Bas, persistant dans son désir de se retirer malgré le souhait politique à peine voilé de le voir continuer jusqu’au lendemain des élections ultra-délicates de 2014. L’âge est respectable, mais la plus longue crise politique jamais commune par le pays, 541 jours, a littéralement exténué un roi dont le pouvoir d’influence fut réel en 2010 et 2011. Elle n’est pas étrangère à sa lassitude.

Dans un autre registre, comment ne pas être touché par l’annonce de la démission de la ministre de l’Enseignement Marie-Dominique Simonet, qui va lutter désormais contre un cancer du sein. Sa maladie n’est pas spécifiquement liée à son travail. « Une femme sur neuf est dans ma situation », dit-elle. Mais son interview de ce vendredi au journal Le Soir va plus loin : « Il est impossible de rester en fonction. C’est un métier dans lequel on donne beaucoup. Les gens ne réalisent pas ça. On donne énormément. C’est sans arrêt. Regardez : on termine l’ajustement budgétaire Région/ Communauté. Il n’est pas encore voté qu’on commence déjà le suivant. C’est un métier très difficile. »

Comme bien d’autres métiers, faut-il le préciser… Il n’empêche. On repense à ce porte-parole libéral outré à la lecture de dossier du Vif/ L’Express sur les rivalités internes du MR qui lâche, soudain : « Ces gens n’ont plus de vie. Ils donnent tout pour tenter de porter un projet positif et voilà ce que l’on retient. » On repense à cette petite phrase de la vice-Première PS Laurette Onkelinx au sujet du Premier ministre Elio Di Rupo : « Il se sacrifie personnellement et physiquement. Ce sont des sacrifices dont peut-être on mesurera l’ampleur par la suite. » On revoit Johan Vande Lanotte, hyperkinétique, parler jusqu’à pas d’heures pour exposer son projet pour la Flandre devant une petite centaine de personnes dans une salle de Koekelaere avant de repartir négocier. On réentend le ministre Guy Vanhengel parler longuement de son burn-out. On songe aux accidents de santé sérieux des Premiers ministres Guy Verhofstadt et Yves Leterme dans l’exercice de leurs fonctions.

Depuis 2007, une kyrielle de crises se sont abattues sur le pays : sauvetage des banques à la hussarde, dérives budgétaires, blocages politiques à répétitions, fermetures d’entreprises, contraintes européennes, réformes institutionnelles… « Jamais on n’a connu ça, jamais ! », constatent en choeur les vice-Premiers Laurette Onkelinx et Johan Vande Lanotte qui sont tous deux présents sur le devant de la scène depuis une vingtaine d’années. La pression est en outre bien plus grande aujourd’hui avec les nouvelles technologies, la concurrence des médias, le forum médiatique permanent.

Alors que nous nous préparons à nous lover dans l’été qui va vraiment commencer, peut-être est-il bon de rappeler que certains bossent comme des malades pour faire tourner la machine belge. Jour et nuit, sans compter, à la limite de leurs capacités physiques. Pour leur soif de pouvoir personnel, c’est l’évidence, mais également pour le bien commun.

Cela aussi, on peut parfois l’écrire. Sans aucune naïveté sur le fait qu’il s’agit, à l’instar de Dallas, d’un univers impitoyable.

Olivier Mouton

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