La pédagogie des alertes terroristes

Il serait grand temps que la Belgique revoie sa manière de « coter » la menace extrémiste et/ou terroriste. Le dernier épisode de la saga des vrais-faux niveaux d’alerte est… alarmant.

En surveillant des sites anti-islamisation tel que Nonali (Charleroi) ou Mundo sin Islam (Madrid), la police fédérale est tombée sur un foyer possible d’incendie: un filmicule blasphématoire, The Innocent Prophet. Celui-ci est inspiré de L’Innocence des musulmans, qui, en septembre dernier, avait provoqué une flambée de violence dans le monde musulman. L’auteur de ce brûlot est Imran Firasat, un Pakistanais apostat, réfugié politique en Espagne, où il a créé l’association Mundo sin Islam (Un monde sans Islam). Cet homme a obtenu de faire examiner par le Comité constitutionnel du Congrès des députés espagnols une pétition demandant l’interdiction du Coran en Espagne. Cela ne vous dit rien ? En Belgique, l’ASBL Nonali, dans la même veine, est l’auteure de la pétition visant à faire interdire le parti Islam (déjà près de 50 000 signatures). L’extrait du film est déjà visible sur les réseaux sociaux depuis plusieurs semaines. A priori, ce n’est pas anormal que la police signale cette sortie émanant de milieux fortement marqués à droite, voire à l’extrême droite, car elle est susceptible de déboucher sur des réactions outragées ou violentes dans le camp adverse. Les émeutes de Borgerhout, à Anvers, avaient conduit à 300 arrestations administratives…

Fallait-il, pour autant, hausser le niveau de la menace du niveau 2 (risque moyen) au niveau 3 (grave) sur une échelle qui en compte 4 ? « C’est l’Ocam (NDLR: organe de coordination pour l’analyse de le menace) qui fait ces évaluations, déclare Peter Mertens, porte-parole du Centre de crise (SPF Intérieur). Nous, on l’a transférée à la police mais il n’y a pas d’exécution sur le terrain. Ce film peut provoquer un trouble à l’ordre public mais il ne constitue pas une menace terroriste. Le niveau d’alerte pourra être revu à la hausse ou à la baisse, au vu des analyses. On nous demande d’être vigilants. Nous recevons les diverses analyses de l’Ocam et nous prévenons les services de police, à titre préventif. »

De fait, le message du Centre de crise ne contenait aucune instruction particulière destinée à parer à une menace précise. Bref, il s’agissait de sensibiliser à un risque potentiel, en aucun cas, fondé sur des indices précis d’une hausse de la menace. Pourquoi, alors, agiter ce fameux niveau 3 (à destination des policiers), alors qu’en réalité, nous serions toujours au niveau 2 ? C’est un mystère qu’il faudra expliquer à la population.

L’annonce de ce niveau d’alerte, résultat d’une « fuite » vers la presse, fait du bruit, mais pas trop. On s’habitue. En juin dernier, la ministre de l’Intérieur avait haussé le niveau d’alerte de 2 à 3, toujours sur la base d’une analyse de l’Ocam, à la suite de l’agression de deux policiers par un salafiste venu de France à la station de métro Beekkant, à Bruxelles. Les services de police, sur le terrain, n’avaient reçu aucune instruction ni moyens supplémentaires: la menace était virtuelle, possible, mais en aucun cas avérée. Nos autorités trébuchent à nouveau sur le même caillou…


Marie-Cécile Royen

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