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La nouvelle tribu des conso-vendeurs

Vider ses caves en passant par le Web ou un dépôt-vente : comme l’achat low cost, l’acquisition de seconde main se banalise et laisse entrevoir un véritable marché.

Sur les rayonnages du magasin bruxellois Cash Converters (19 magasins, dont le dernier au centre de Bruxelles, rue du Fossé aux Loups), des centaines d’articles de seconde main s’étalent sous l’£il avide des chineurs. Dans ce dépôt-vente, on trouve tout, sauf des meubles, du gros électroménager et des vêtements. Parmi les affaires à saisir ce jour-là, une tondeuse, des écrans plasma, des GSM, des caméscopes, une guitare folk, et des centaines de jeux vidéo, DVD, bijoux de 25 à 50 % moins chers que le neuf.

« J’achète toute mon électronique ici. Je ne vois pas l’intérêt de me ruiner pour un appareil photo ou un GSM qui sera dépassé dans trois mois », explique Wen Shi, jeune commercial venu s’approvisionner en DVD à 3 euros. En ce lieu, la majorité des clients sont des hommes de 15 à 40 ans. « Les jeunes ont pris l’habitude de l’occasion en troquant leurs CD et leurs jeux vidéo. Les seniors sont plus réticents », observe-t-on chez Cash Converters. Pour rassurer ces réfractaires, l’enseigne offre des garanties de soixante jours sur l’électronique et l’électroménager.

Troc.com (30 boutiques), son concurrent, propose une offre de produits plus large (meubles, décoration). Premier constat : la plupart des clients du marché de l’occasion ont les moyens. « Il y a ceux qui cherchent le meilleur rapport qualité-prix ou l’objet original, et des jeunes qui aiment le vintage », confirme Pierre Boseret, patron de Troc.com.

Convaincus que leur pouvoir d’achat est en baisse ou rejetant l’hyperconsommation, les Belges n’ont pas honte d’acheter du seconde main, au contraire. Certes le dépôt-vente n’attire que quelque 7 % des consommateurs, mais le potentiel de l’occasion (1) s’avère prometteur, avec le Web en leadership : plus d’un achat d’occasion sur deux est conclu sur un site spécialisé. Les biens culturels et le high-tech restent le coeur du marché. Mais on peut vendre (et donc acheter) à peu près n’importe quoi en occasion. Ainsi la fringue est la catégorie montante du marché.

Valérie (36 ans) : « Sur certains produits comme les DVD ou les jeux vidéo, pourquoi acheter neuf quand trois semaines après leur sortie on peut se les procurer avec de 30 à 50 % de réduction ? » Acheter et revendre est devenu une seconde nature chez elle. La jeune femme appartient à cette nouvelle tribu : les conso-vendeurs, des individus qui débusquent ou se débarrassent de leurs biens en négociant avec d’autres internautes.

A ce jeu-là, selon le Crioc, les jeunes femmes (18-39 ans) et les jeunes quadras urbains, plutôt classes moyennes, sont parmi les moins complexés. Pourquoi achètent-ils d’occase ? Comme quand ils se fournissent low cost, pour se faire un peu d’argent afin de s’offrir des équipements plus haut de gamme et acheter plus – c’est pourquoi les économistes n’hésitent pas à associer low cost et marché de l’occasion.

« Le marché de l’occasion doit aussi à l’engouement écologique. Ce type d’achat permet aux consommateurs d’avoir bonne conscience en recyclant des articles dont ils n’ont plus l’utilité », déclare Pascal Roussarie, auteur d’une enquête européenne sur le sujet pour l’Observatoire Cetelem. En réalité, tout le rapport au neuf s’est transformé. Ce qui compte désormais, c’est l’usage de l’objet, davantage que sa possession. A ce rythme, comptera-t-on demain davantage d’utilisateurs que de propriétaires ?

S.G.

(1) On estime qu’il grossit de 10 % par an.

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