/ © Belga

« La N-VA se fait servir sa propre soupe »

Walter Pauli
Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

 » Ce que fait aujourd’hui le PS est aussi intellectuellement malhonnête que ce que faisait la N-VA lors de la précédente législature ». Le politologue Carl Devos semble plus remonté que jamais. A contrario, il ne trouve rien d’anormal aux mouvements sociaux. « Rien de bien inhabituel. Il y a 50 ans, on déplorait encore des morts lors de manifestations ».

Carl Devos : la violence doit bien entendu être réprimée, mais, dans le fond, il n’y a rien d’inhabituel. Il y a 50 ans, on déplorait encore des morts lors de manifestations. Dans les années 70 et 80, les grèves se faisaient au finish et dans l’aigreur la plus absolue. Les mouvements de cette fin d’automne, avec une manifestation nationale et quatre jours de grèves, ne peuvent donc que difficilement être qualifiés de déstabilisants. On est ici face à des actions relativement pacifiques. Tout cela ne m’inquiète guère. Ce que je trouve beaucoup plus inquiétant, c’est que l’on remet en question le principe même d’une démocratie du consensus.

De quelle façon ?

Lorsqu’on a augmenté l’âge de la pension, l’opposition a directement fait savoir qu’elle annulerait cette loi une fois de retour au pouvoir. Cela démontre un manque de stabilité. Frank Vandenbroucke l’a encore dit dans les colonnes du Knack la semaine dernière : pour des réformes aussi importantes que l’âge des pensions, il faut un consensus qui dépasse les clivages majorité-opposition.

Au regard de la réaction de Laurette Onkelinx au parlement, on se dit qu’un pacte n’est pas pour demain.

J’ai trouvé son attaque sur Theo Francken pour le moins inapproprié. Il peut y avoir du pathos au parlement, ou des incidents, mais il existe tout de même quelques règles à respecter. Les représentants du peuple doivent montrer l’exemple et montrer de quelle façon il est possible de débattre avec quelqu’un qui ne partage pas nos idées.

Donc lorsque certains membres du parti de Bart De Wever ont refusé de donner du « premier ministre » à Di Rupo, ce n’était pas non plus très approprié …

Tout à fait. Ce que fait le PS aujourd’hui est du même tonneau que ce que faisait la N-VA lors de la dernière législature : lier le débat socio-économique au débat communautaire. Pour la N-VA, le gouvernement Di Rupo était un gouvernement de gauche dominé par la politique taxatrice du PS. Pour le PS, le gouvernement Michel est un gouvernement de droite dominé par la politique de réduction des dépenses de la N-VA. La N-VA se fait donc resservir sa propre soupe. Ceci dit, aucun des deux raisonnements n’est intellectuellement honnête.

Le sociologue Socioloog Luc Huyse a subi les foudres des supporters de la N-VA après avoir déclaré que la démocratie n’était pas qu’une question de résultat électoral, tant la société civile a aussi son importance.

Je suis d’accord avec Huyse. Je trouve qu’il est réellement anxiogène de limiter la démocratie aux élections. Sans débat de société et sans concertation avec la société civile, les élections ne sont qu’une boite vide.

Le mouvement flamand n’a-t-il pas en plus toujours fait ça ?

Exactement. Toute l’émancipation de la Flandre est le résultat d’action non parlementaire. Les nationalistes qui ont attaqué Huyse ne connaissent donc par leur propre histoire. Aurait-on dû à l’époque interdire le pèlerinage de l’Yser en tant que manifestation non autorisée contre un gouvernement démocratiquement élu ? La manifestation de Bruxelles n’est donc en réalité rien d’autre qu’un des rouages nécessaires au bon déroulement de la démocratie.

Joël De Ceulaer et Walter Pauli

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire