© Frédéric Pauwels/Huma

« La N-VA ressemble de plus en plus au Vlaams Belang »

L’accord engrangé par Elio Di Rupo ? « Un pas très clair vers le confédéralisme », se réjouit le député flamand Johan Sauwens (CD&V). Ex-ministre Volksunie, il dénonce la « malhonnêteté intellectuelle »de Bart De Wever.

En septembre 2010, vous déclariez : « Le moment va arriver où un compromis sera jugé acceptable par nous, mais pas par la N-VA, ou par une partie de la N-VA. Quand ? Je ne sais pas, mais ce moment va arriver. » Avec le recul, vos propos apparaissent prophétiques.

Le départ de la N-VA a facilité les choses. Mais si un accord a finalement été possible, c’est surtout parce que les francophones ont lâché du lest. La note du conciliateur royal Johan Vande Lanotte, en janvier, ressemblait à un bric-à-brac. Elle contenait des points inadmissibles pour nous, comme le fait d’autoriser des listes bilingues aux élections régionales bruxelloises. Elle restait aussi très timorée concernant l’autonomie fiscale. Dans la réforme de l’Etat que vient de présenter Elio Di Rupo, tout est beaucoup plus clair, plus transparent. Ce qui a également permis un compromis, c’est le départ de certaines personnes, des individus cyniques qui négociaient avec un agenda caché.

Vous visez la N-VA, le FDF ?

Didier Reynders, aussi. Ainsi que d’anciens responsables de l’Open VLD, comme Guy Verhofstadt et Patrick Dewael. Entre 2007 et 2010, ces gens-là ont tout fait pour saboter les discussions institutionnelles. L’arrivée de Charles Michel et d’Alexander De Croo à la présidence du MR et de l’Open VLD a amené un changement énorme. Une relation de confiance s’est créée avec notre président, Wouter Beke. Reynders n’était absolument pas fiable. Si les calculs politiciens prennent toujours le dessus, c’est impossible de réussir.

Que pensez-vous du contenu de l’accord ?

C’est pour moi une très grande réforme de l’Etat. Le principe de subsidiarité est enfin mis en application : là où c’est possible, les compétences sont transférées au niveau de pouvoir le plus proche des gens. Bruxelles-Hal-Vilvorde est scindé. Les Régions gagnent en autonomie fiscale. C’est un bien meilleur accord que celui conclu lors de la précédente réforme de l’Etat, en 2001. Même si, bien sûr, ce n’est pas la fin de l’histoire. La scission de l’Onem (1), par exemple, s’imposera tôt ou tard comme une évidence. Comme disait Hugo Schiltz (2), il y a deux façons de passer d’une rive à l’autre : soit en sautant pour traverser la rivière d’un seul bond, mais c’est périlleux, soit en jetant une pierre après l’autre, pour avancer pas à pas. Ici, c’est un pas très important qui vient d’être accompli.

Un pas vers le confédéralisme ?

Pour la première fois, si l’on excepte la sécurité sociale, le budget des Régions est supérieur à celui du fédéral. L’accord représente un pas très clair vers le confédéralisme, c’est évident.

Dans De Standaard, Caroline Gennez (SP.A) a dit qu’elle espérait être quitte des problèmes institutionnels « pour dix ou vingt ans ».

On verra. La pression des marchés a aidé à la conclusion d’un compromis. Mais, sur le fond, les grands chantiers socio-économiques n’ont pas encore été entamés, que ce soit dans le domaine des pensions, de l’assurance-maladie ou du chômage. Va-t-on enfin engager les réformes nécessaires au niveau fédéral ? J’espère. Sinon, la tension communautaire va très vite augmenter.

Parce que la N-VA s’empressera de dénoncer l’inaction du fédéral ?

Oui. Mais le CD&V la dénoncera aussi. Vous pouvez compter sur Hendrik Bogaert, Pieter De Crem, Kris Peeters et Etienne Schouppe. Ils seront vigilants.

Ces réformes, il sera plus facile de les mener à bien sans les écologistes ?

Je ne sais pas. A titre personnel, j’étais partisan de prendre Ecolo et Groen ! au gouvernement. Quand la Volksunie a disparu, je ne suis pas allé à la N-VA, parce que je suis attaché aux notions de solidarité et d’entraide. Au fond, je reste un soixante-huitard… L’environnement, la santé, la démocratie participative, ce sont des thèmes importants à mes yeux. Il me semble que l’apport des écologistes aurait été positif.

Le gouvernement fédéral sera minoritaire du côté néerlandophone. A la Chambre, CD&V, Open VLD et SP.A ne représentent que 43 sièges sur 88. Danger en vue ?

Certains jugent scandaleux que la N-VA, le plus grand parti flamand, ne fasse pas partie du gouvernement. Mais c’est la N-VA, elle toute seule, qui a voulu rester en dehors ! Bart De Wever est obsédé par l’idée de tuer le Vlaams Belang mais, jour après jour, il ressemble de plus en plus au Vlaams Belang. Son discours relève de la pure démagogie, du poujadisme absolu. Il critique à présent certains points de l’accord institutionnel, alors qu’il y était favorable voici quelques mois encore. Quelle malhonnêteté intellectuelle ! Concernant le chapitre BHV, la note qu’il a rédigée comme clarificateur royal, en octobre 2010, était même moins favorable aux Flamands que l’accord présenté par Di Rupo. Dans sa proposition, les francophones de la périphérie désireux de recevoir leurs documents administratifs en français ne devaient plus en faire la demande qu’une fois tous les trois ans. L’accord final, au contraire, prévoit que la demande devra être réitérée pour chaque document. L’arrogance de Bart De Wever, Ben Weyts et consorts est de plus en plus difficile à supporter.

Fin janvier, vous déclariez ne pas exclure à l’avenir la constitution d’un grand parti proflamand de centre-droit, qui réunirait le CD&V et la N-VA. « Le cartel que nous avons formé de 2004 à 2008 nous a rapprochés », disiez-vous alors.

Pour les dix ans à venir, un tel scénario est exclu. Surtout parce que la N-VA vire de plus en plus vers l’extrême droite. Ses dirigeants veulent concurrencer le Vlaams Belang et vider le réservoir électoral de l’Open VLD. C’est leur droit. Mais le CD&V restera toujours un parti social, un parti du centre. A part l’une ou l’autre exception, tous nos cartels avec la N-VA disparaîtront après les élections communales de 2012.

Stefaan De Clerck (CD&V) a proposé de rouvrir le débat sur l’amnistie des anciens collabos. Vous y êtes aussi favorable ?

Non, le CD&V n’est pas demandeur. Ce débat appartient au passé. On n’est certainement pas opposé, mais la question n’est pas à l’ordre du jour. Beaucoup de mythes se sont créés autour des deux guerres mondiales : les Wallons tous résistants, les Flamands réprimés en raison de leur langue… Les travaux historiques récents ont montré que la vérité était plus nuancée. Cette souffrance-là est maintenant derrière nous.

Propos recueillis par François Brabant

(1) Office national de l’emploi, l’organisme fédéral chargé de la distribution des allocations de chômage.

(2) Hugo Schiltz (1927-2006), grande figure du nationalisme flamand, président de la Volksunie et vice-Premier ministre.

Un nationaliste flamand atypique

L’engagement politique de Johan Sauwens a débuté chez les nationalistes de la Volksunie. De 1988 à 1995, puis de 1999 à 2001, il est ministre au gouvernement flamand. Il sera acculé à la démission après qu’avait été révélée sa présence à un souper du Sint-Maartensfonds, l’amicale des anciens combattants flamands du front de l’Est. Cet épisode précipitera l’éclatement de la Volksunie. Une fois celle-ci dissoute, Sauwens ne rejoint pas les purs et durs de la N-VA, mais il opte pour le CD&V. La commune dont il est bourgmestre, Bilzen (Limbourg), est récemment devenue la première de Flandre où la vitesse est limitée à 30 km/h en agglomération.

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