Peter De Roover

La N-VA, le nouveau grand parti centriste flamand ?

Peter De Roover Député N-VA

Pour être clair, et pour les électeurs moins attentifs : il n’y a pas que la N-VA qui participe aux élections et Anvers n’est pas la seule ville qui se choisit un bourgmestre. Vu l’attention que portent les médias au président de la N-VA, on pourrait parfois en douter. Tout cela prouve bien qu’au-delà du niveau local, c’est bien un enjeu national qui se joue là-bas.

De Wever souhaite ancrer son parti dans le local pour pouvoir ensuite redessiner fondamentalement la carte de la Flandre. Il n’en fallait pas plus pour que les éditorialistes voient en la N-VA le nouveau CVP. Mais dans le fond que défend la N-VA ? Il semble que répondre à cette simple question soit plus compliqué que prévu.

Pour beaucoup de francophones, ce parti n’a comme seul cheval de bataille qu’une Flandre indépendante. Si la N-VA gagne, cela veut dire que le Flamand a pris mentalement congé de la Belgique. Le fait que de nombreux anciens électeurs du Vlaams Belang se soient tournés vers la N-VA n’a fait que leur confirmer que le pire est à venir. Ensuite il y a les Flamands qui n’ont rien contre la Belgique et qui préfèrent dire que la N-VA attire de nombreux électeurs qui ne souhaitent pas nécessairement une Flandre totalement autonome. Dans ces cercles d’électeurs, on va plutôt mettre en avant le côté libéral du parti et faire de l’Open VLD sa plus grande victime. Parmi ces électeurs, nombreux sont ceux qui prédisent que la N-VA va faire des déçus par légion puisque ceux qui ont été séduits par un discours flamingant vont se retrouver de facto avec une politique et un agenda libéral. Et enfin, il y a ceux qui ne s’attardent guère sur le phénomène N-VA et se contentent de la cataloguer en tant que « rassemblement de mécontents ». Ces trois visions d’un même parti font dire à beaucoup d’éditorialistes que c’est l’égarement qui domine les électeurs N-VA. Peut-être. Une chose est néanmoins certaine, cet égarement, s’il existe, est provoqué par les éditorialistes eux-mêmes.

Il y a plusieurs raisons de voter pour la N-VA, comme c’est d’ailleurs le cas pour les autres partis. Limiter la N-VA à un parti radical flamingant, très libéral et qui séduit de nombreux électeurs incapables de comprendre les positions du parti reviendrait à se lancer dans un plaidoyer contre le droit de vote. Un droit de vote rendu caduc par des électeurs qui seraient trop idiots pour en faire usage correctement.

En réalité, cela ne se passe pas de cette façon puisqu’un électeur vote pour un parti qui va développer une certaine politique. Si cette dernière déçoit, le parti en question sera sanctionné. Si ceux qui ont voté pour la N-VA en 2010 revotent pour ce parti lors de ces élections et que ces derniers sont encore plus nombreux à la faire en 2014, on peut légitimement se dire que l’électeur est d’accord avec la politique du parti. Et même mieux : que ce dernier a réussi à en convaincre d’autres.

À partir de ce postulat, l’idée que la N-VA ait toutes les cartes en mains pour devenir un parti populaire flamand largement représentatif de la Flandre pourrait bien se révéler exacte. De nombreux électeurs N-VA vont instinctivement rejeter l’image de « nouveau CVP » , tant le rôle de l’ex-CVP au niveau belge ne pouvant leur servir d’exemple. Néanmoins, le parallèle ne manque pas d’intérêt. Beaucoup de Flamands sont d’origine chrétienne, même s’ils sont de moins en moins nombreux à être pratiquants. Un CVP sans le C (christus) pourrait donc séduire cette frange de l’électorat. Légèrement conservateur, prônant un libéralisme de bon aloi, flamand de surcroît : voilà bien un bon cocktail pour un parti qui souhaite devenir LE parti populaire. L’étiquette « un CVP, mais en mieux » ne devrait a priori pas faire fuir l’électeur N-VA éclairé.

S’il n’y avait pas la Belgique, La N-VA serait même fin prête pour dominer l’échiquier politique. Mais voilà, la Belgique existe et cette dernière fait surgir deux problèmes sur le boulevard de la N-VA. Premièrement, il n’existe pas, de l’autre côté de la barrière linguistique, un parti similaire. Du coup, la N-VA se voit contrainte de composer au niveau national avec des formations qui ne partagent pas le moins du monde ses vues. Or un bon parti populaire se doit d’avoir l’ambition de participer à la gestion de la nation. Ce qui demande régulièrement dans notre plat pays un compromis à la Belge. Et c’est là que le bât blesse puisque l’image d’Épinal, le fer de lance du parti, c’est justement ce refus du compromis. Hélas ! Participer au niveau national va créer des problèmes, ne pas le faire aussi. Le deuxième problème coule de source. La N-VA ainsi que beaucoup de ses électeurs sont critiques envers le phénomène Belgique. Au niveau fédéral, le parti doit donc revêtir sa tenue de pourfendeur qui défend les droits flamands. Un rôle qui risque de le plonger dans un délicat travail d’équilibriste. À quel point est-on assez méchant en Belgique ? Quand est-on trop méchant ? On peut voir dans la politique de la N-VA comme l’exact opposé de ce que le successeur du CVP nous montre à l’heure actuelle : méchant en Flandre et plus brave au niveau fédéral. Si cette formule a fonctionné durant des décennies, elle commence visiblement à s’éroder. Combien de temps la N-VA va-t-elle tenir en faisant exactement l’inverse ?

Pour le moment, cette technique semble porter ses fruits puisque beaucoup de Flamands ne sont pas d’accord avec la politique du gouvernement Di Rupo. Il n’existe pas non plus d’alternative pour ceux qui se sentent porteurs d’un sentiment flamand, mais qui se situe plus à gauche sur l’échiquier politique. Et pour ceux qui sont plus libéraux, ils ont été largement déçus par la passivité de l’Open VLD au fédéral pour encore vraiment se laisser convaincre.

La politique du gouvernement belge cadre parfaitement avec l’histoire que la N-VA souhaite raconter à son électorat. Avec une droite qui soutient un gouvernement de gauche et une gauche qui ne s’implique pas dans la question d’une autonomie flamande : voilà un terrain de choix pour permettre à la N-VA de se transformer en LE parti centriste flamand. Le jour où les adversaires de la N-VA ne feront pas exactement ce que souhaite cette dernière, le large spectre que couvrent ses différentes positions pourrait lui coûter cher. D’ici là, le vivier des électeurs ne fera que grandir puisqu’un large spectre permet justement rejoindre les deux rives. L’histoire du CVP est là pour en attester.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire