La ministre fédérale de la Mobilité Jaqueline Galant © Belga Image

« La ministre Galant discrédite le système belge »

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

La Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales fusille Jacqueline Galant : celle-ci refuse de lui transmettre le contrat de vente de l’aéroport de Bruxelles-Nationl alors que la loi l’y obligerait, au nom du droit des citoyens à accéder aux informations environnementales. L’avis de la Commission, que Le Vif/L’Express a pu consulter, est cinglant…

Décembre 2014 : une citoyenne bruxelloise s’adresse à la ministre fédérale de la Mobilité Jacqueline Galant (MR) pour obtenir une copie du contrat signé le 9 novembre 2004 entre l’Etat belge et le groupe australien Macquarie, désormais actionnaire majoritaire de l’aéroport. Elle souhaite précisément savoir si, dans ce document, l’Etat fédéral s’est engagé vis-à-vis de l’acheteur, par exemple en lui garantissant un certain nombre de mouvements d’avions, un horaire particulier pour les vols de nuit, ou de possibles développements pour le futur. Cette Bruxelloise cherche aussi à savoir si des dédommagements financiers sont prévus dans ce contrat, en cas de non-respect de ces éventuelles garanties. Car dans cette hypothèse, le gouvernement fédéral actuel ne disposerait d’aucune marge de manoeuvre pour modifier les règles d’exploitation de l’aéroport, notamment dans le but d’en réduire les nuisances et les dangers pour les riverains.

Auparavant, plusieurs parlementaires, dont le libéral Olivier Chastel, l’écologiste Isabelle Durant et le CDH Georges Dallemagne, avaient déjà demandé à consulter ce contrat de vente. Les associations de riverains avaient fait de même, mais en vain. Le 13 juillet 2006, la sénatrice Isabelle Durant avait ainsi interpellé le secrétaire d’Etat aux Entreprises publiques Bruno Tuybens (SP.A) à propos de rumeurs selon lesquelles « le contrat de vente de la BIAC à Macquarie comporterait des clauses secrètes, obligeant l’Etat belge à rembourser 500 millions d’euros dans les cas où les clauses contractuelles ne seraient pas réalisées. L’une de ces clauses prévoirait que l’Etat belge s’engage à ce que le nombre de vols à Bruxelles-National ne soit jamais limité à moins de 300 000 mouvements de jour et 10 000 de nuit ». Bruno Tuybens n’avait à l’époque pas répondu clairement à la question, se contentant de dire que le contrat ne contenait pas de « clause de stabilité ».

Retour à 2015. Interpellé, le cabinet de la ministre de tutelle, Jacqueline Galant, refuse à son tour de communiquer ce contrat. Dans un premier temps, il dit ne pas le détenir, pas davantage que son administration. Puis la cheffe de cabinet de la ministre, Dominique Offergeld, prend contact avec l’administrateur délégué de l’aéroport, Arnaud Feist, qui lui assure qu’il n’y a rien de particulier ni d’inquiétant dans le document. Le cabinet de la Mobilité estime alors que « ce contrat ne peut être rendu public dans la mesure où il contient des clauses commerciales et a été conclu sous seing privé », avait-il déclaré au Vif il y a quelques mois.

Le 25 mars, la citoyenne s’adresse alors à la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales, légalement instituée pour garantir cet accès à la population. Le secrétariat de la Commission réclame les documents en cause au cabinet de la Mobilité qui, après de longues semaines, finit par utiliser la même argumentation qu’au départ : les documents contiennent des informations commerciales confidentielles, que l’Etat s’est engagé à respecter.

« Cette motivation n’est pas suffisante », répond la Commission, qui demande une nouvelle fois à obtenir les documents avant le 6 juillet 2015. Mais à cette date, le cabinet de la ministre informe la Commission par téléphone que le contrat de vente ne lui sera pas transmis et qu’il est « examiné par un bureau d’avocats ».

Pour la Commission, la plaignante est parfaitement en droit d’obtenir cette information environnementale en vertu de la loi du 5 août 2006 qui garantit un droit d’accès minimal auquel le citoyen peut toujours avoir recours. « Des éléments du contrat de vente doivent peut-être être soustraits à la publicité, mais certainement pas tous, estiment les membres de la Commission. De plus, ce motif d’exception ne peut être invoqué que pour des informations qui sont protégées afin de préserver un intérêt économique légitime. Il y a lieu de vérifier si l’intérêt de la publicité ne l’emporte pas sur l’intérêt protégé. Or en ce qui concerne les activités de et autour de l’aéroport de Bruxelles National, il y a un intérêt public qui est servi par la publicité, vu les nombreux groupes d’action existants, le nombre de procédures judiciaires intentées et l’instauration d’un service de médiation spécifique pour les riverains. »

Fâchée, la Commission conclut, dans cet avis daté de juillet, qu’elle n’a pu exercer la mission qui lui est confiée par la loi, faute d’une collaboration effective avec le cabinet de la Mobilité. « La Commission ne peut que regretter le choix de la ministre de ne pas lui avoir donné accès aux documents demandés. Elle entrave ainsi le bon fonctionnement de la Commission et discrédite le système belge au niveau européen et international. »

Contacté par le Vif/L’Express, le cabinet de Jacqueline Galant a indiqué qu’il venait de recevoir le texte de cet avis et qu’il y réagirait dans quelques jours.

De son côté, la plaignante a d’ores et déjà décidé de se pourvoir devant le Conseil d’Etat. Son action sera supportée juridiquement et financièrement par la Plate-forme des 12, qui rassemble, depuis quelques semaines, douze associations de riverains mobilisés, entre autres, pour obtenir à terme la suppression des vols de nuit.

Communiqué de presse : 23 juillet 2015

La Ministre Galant transmettra à la Commission « Environnementale » le contrat de vente de l’aéroport à Macquarie dès qu’il sera en sa possession.

Depuis des années, des demandes ont été introduites par des citoyens pour obtenir divers documents et/ou règlements susceptibles de contenir des informations environnementales relatives à l’aéroport. Depuis son entrée en fonction la Ministre Galant a également été interpellée par des riverains pour obtenir de tels documents. Contrairement à ce qui a été écrit dans le courrier de la Commission, la ministre n’a jamais eu l’intention de faire obstruction à ces demandes.

Madame Desmael a saisi la Commission fédérale de recours pour l’accès aux informations environnementales en vue de voir imposer par celle-ci à la Ministre de la Mobilité la transmission du contrat de cession de 70 % des actions de Brussels Airport à Macquarie et ce pour voir si ce contrat contiendrait des engagements de l’Etat -relativement à l’exploitation de l’aéroport- qui auraient des incidences environnementales. Il s’avère que la Ministre n’est pas en possession de ce document.

Elle a demandé à la Société Fédérale de Participations et d’Investissement (SFPI), qui détient les participations de l’Etat et donc nécessairement les contrats relatifs à celles-ci, que ce contrat lui soit communiqué de toute urgence.

Dès qu’elle sera en possession du contrat, la Ministre le communiquera à la Commission afin que celle-ci se positionne sur d’éventuelles clauses devant rester confidentielles ; une fois que la Commission aura statué sur ce point le contrat sera communiqué à la requérante ainsi que la loi du 5 aout 2006 relative à l’accès du public à l’information en matière environnementale lui en donne le droit.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire