Certains simulent le vol de leur voiture car l'indemnité versée par l'assurance peut être bien plus importante que la valeur de revente du véhicule. © BELGA/Bruno Arnold

La fraude à l’assurance vous coûte 150 euros par an

Jean-Marc Damry
Jean-Marc Damry Rédacteur au Vif L'Express

Deux cent cinquante millions d’euros, tel est le montant annuel de la facture des fraudes à l’assurance en Belgique. Si certains arrivent à passer par les mailles du filet, ceux qui se font prendre finissent par le payer très cher.

Récemment, nos confrères de La DH révélaient l’implication de cinq cadres d’Ethias dans un dossier de fraude à l’assurance concernant une propriété de Stéphane Moreau, le bourgmestre d’Ans et figure emblématique du groupe Tecteo. Par leurs agissements, ils auraient contribué à faire verser une indemnité de 53.000 euros en réparation d’un sinistre portant sur un risque non couvert au moment de sa survenance. On évoque ainsi la conclusion d’un contrat d’assurance antidaté. Dans les mêmes colonnes de nos confrères, Stéphane Moreau se défend de tout agissement délictueux dans son chef, pointant un problème interne et administratif chez Ethias. Selon lui, à défaut pour l’assureur liégeois d’avoir formalisé les démarches auxquelles il s’était pourtant engagé, en l’occurrence de fournir les couvertures demandées, Ethias n’aurait rien fait d’autre que de lui consentir un geste commercial et donc de couvrir le sinistre. Dans la foulée, Stéphane Moreau a par ailleurs déposé plainte pour calomnie, diffamation et violation du secret de l’instruction. Sans préjuger ici des responsabilités – ou non – des uns et des autres, tout en respectant leur présomption d’innocence, cette affaire rappelle aussi que les (suspicions de) fraudes à l’assurance sont fréquentes. Et que certains peuvent parfois aller très loin pour arriver à leurs fins…

La tentation du « y’a qu’à »

Une récente étude du consultant Accenture chiffre la fraude à l’assurance en Europe à 12 milliards d’euros par an. En Belgique, elle représenterait 250 millions d’euros et d’aucuns estiment même que chaque famille supporterait chaque année un surcoût de primes d’environ 150 euros pour financer l’ensemble des fraudes non décelées. Aucun pays, aucune branche d’assurance, aucune classe sociale ne sont épargnés par ce phénomène. Et les archives des compagnies regorgent de situations où elles ont été l’objet (de tentatives) d’escroqueries qui ont – ou non – finalement abouti devant les tribunaux. Ainsi, au niveau des voitures, la garantie « vol » de l’omnium est régulièrement mise à contribution pour faire face à des difficultés financières. Un exemple? A la suite d’une perte d’emploi, le remboursement des mensualités du financement-auto devient difficile à assumer. La revente du véhicule est alors envisagée. Reste qu’entre le prix auquel les éventuels acquéreurs se déclarent prêts à faire affaire et la somme que rembourserait la compagnie d’assurance en cas de vol, certains se laissent aller au simulacre de vol de leur voiture. De quelle manière? Avec ou sans complicité, la voiture est revendue à l’étranger, au noir, idéalement hors Union européenne, avant d’être déclarée volée chez nous quelques jours plus tard. Le fraudeur passe ainsi deux fois à la caisse : une première fois en revendant sa voiture, une seconde fois en recevant l’indemnité de la compagnie d’assurance. Autre tendance, s’en remettre à de petits malfrats pour se faire voler son véhicule avec ordre de le noyer à l’abri des regards. Les assureurs ne sont cependant pas crédules au point de systématiquement payer les indemnités rubis sur l’ongle. Ainsi, toute victime d’un vol de voiture qui n’est pas en mesure de remettre ses deux jeux de clés entraîne déjà une suspicion de fraude. En tout cas, les simulacres de vol de voitures ne relèvent pas de l’anecdote. En 2007, sur la distance séparant Namur de Liège, plus de 600 automobiles ont été repêchées dans la Meuse en quelques mois!

Pas de fumée sans feu

Dans la branche incendie, sachant qu’un sinistre total amène l’assureur à rembourser la valeur à neuf de l’immeuble sans obligation aucune de reconstruire, certains margoulins vont jusqu’à bouter le feu à leur immeuble, convaincus d’empocher une indemnité supérieure à la valeur de revente de leur maison. Ils n’imaginent cependant pas jusqu’à quel point les experts du parquet sont capables de déceler la présence de produits accélérants ni même comment ils seront par la suite « cuisinés » par la police… On rencontre régulièrement aussi des situations d’incendie de commerce battant de l’aile. Là aussi, l’indemnité de la compagnie d’assurance est espérée comme un ballon d’oxygène salutaire.

A bien plus petite échelle, d’aucuns imaginent pouvoir aussi se racheter à bon compte une nouvelle télévision en faisant croire à leur assureur que l’actuelle a été rendue hors d’usage suite à un orage. Il serait naïf de croire que la compagnie d’assurance indemniserait sur base de la seule déclaration de sinistre. En quelques clics, il est en effet possible au gestionnaire ou à l’expert de visualiser une carte de l’IRM montrant l’ensemble des points d’impact de la foudre dans un laps de temps déterminé. La supercherie peut dès lors être très vite mise au jour et ainsi sanctionnée.

Machiavélique

L’assurance-décès n’échappe pas non plus au phénomène de fraude. Au point d’ailleurs de parfois défrayer la chronique des faits divers. Parmi les exemples les plus stupéfiants en ce pays, celui d’un commerçant soi-disant victime d’un home-jacking. Pendant que son épouse était retenue en otage à la maison, il était de son côté contraint de rejoindre le magasin et de remettre aux malfrats la partie du stock la plus facilement négociable sur le marché parallèle. Les bandits n’ont cependant pas été loyaux puisqu’une fois leur forfait commis, ils avaient assassiné l’épouse du commerçant. Le pot aux roses fut découvert dès l’instant où il s’est avéré que ce commerçant était en fait le bénéficiaire d’une dizaine de contrats d’assurance souscrits quelque temps plus tôt par son épouse. Il avait en fait souscrit lui-même ces contrats, en imitant la signature de son épouse, en veillant surtout à ce que chaque contrat porte sur un capital qui ne soit pas individuellement de nature à attirer l’attention du courtier et/ou de la compagnie à la suite du sinistre. Il imaginait certainement qu’avec l’argent obtenu des différentes compagnies d’assurance en raison du décès de son épouse et l’indemnité de l’assurance-vol, il aurait pu refaire sa vie en Thaïlande à bien meilleur compte qu’en divorçant. Dans ce dernier cas de figure, il aurait en effet fallu partager le patrimoine et, le cas échéant, payer une pension alimentaire…

Ceux qui se laisseraient en tout cas aller à frauder encourent des sanctions en sens divers. Au-delà pour la compagnie de ne pas payer l’indemnité de sinistre dès l’instant où la fraude est établie ou à en exiger le remboursement si la fraude est avérée a posteriori, elle estime aussi que le lien de confiance avec elle a été rompu. Elle résilie donc le contrat séance tenante. Elle fiche le fraudeur chez Datassur, ce qui rend particulièrement complexe la souscription d’un nouveau contrat ailleurs. Enfin, elle dépose plainte au pénal…

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