Gérald Papy

La France est-elle raciste ? Non, mais…

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Les attaques répétées dont est victime la ministre française de la Justice Christiane Taubira témoignent d’une libération de la parole intolérante qui ne s’explique pas que par la crise et par la montée de l’extrême droite.

Diffusion de photos sur le site d’une élue du Front national, cris d’une enfant lors d’une manifestation contre le « mariage pour tous » et, aujourd’hui, « Une » de l’hebdomadaire d’extrême droite Minute : les attaques racistes répétées contre la ministre française de la Justice Christiane Taubira suscitent le dégoût et doivent être punies si elles enfreignent les lois qui combattent la discrimination sur la base de la race. C’est l’objectif poursuivi par la saisine de la Justice décidée par le cabinet du Premier ministre Jean-Marc Ayrault.

D’une certain façon, l’origine commune de ces agressions pourrait rassurer parce qu’elle circonscrirait le phénomène à l’extrême droite (ou plutôt les extrêmes droites puisque l’hebdomadaire Minute s’est distancié du Front national et que celui-ci, à propos du « dérapage » de son élue, parle de cas isolé, qui serait contraire désormais aux principes du parti). Pourtant, on sent bien que ces attaques racistes révèlent un phénomène plus profond et, dès lors, plus dangereux. La crise économique et politique que connaît la France a apparemment libéré une parole d’intolérance tous azimuts à l’égard du Noir, du Juif, de l’Arabe, du Rom… « Liberté » favorisée par le succès des réseaux sociaux et par la mode du combat dévoyé contre le soi-disant « politiquement correct ». Trente ans après la Marche pour l’égalité et contre le racisme, ce qui ressemble plus à une lame de fond qu’à un épiphénomène ne cesse d’inquiéter sur la cohésion sociale de la patrie des droits de l’homme.

«  »La France est-elle raciste ? » la réponse va de soi : la France, certainement pas. Mais certains Français, assurément », écrit ce mercredi Le Canard enchaîné. Pourtant, des personnalités noires aussi différentes que le journaliste de TF1 Harry Roselmack, dans une tribune au Monde, et le chanteur de rap Booba, dans le Grand Journal de Canal + mardi, n’hésitent pas à juger qu’effectivement, « la France est raciste ». La réponse se trouve peut-être dans une comparaison entre France et Etats-Unis, où vit désormais le second. Les actes de racisme ne sont peut-être pas moins fréquents aux States mais, au moins, on ne s’y étonne plus de voir un Noir maire, député, capitaine d’industrie, présentateur vedette de tv ou… président.

La réponse à cette montée présumée de la xénophobie en France ne peut donc être que collective. Elle doit émaner du président Hollande, auquel il pourra toujours être reproché, a tort ou à raison, de « cliver » la société, du gouvernement, de la Justice, de la gauche et de la droite dont la réaction, hors celle d’Alain Juppé, ne semble pas encore tout à fait à la hauteur de l’attaque qui est faite aux valeurs de la République française.

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