Thierry Fiorilli

La Flandre propose, les francophones disposent

Thierry Fiorilli Journaliste

Les francophones ont fait sauter le verrou. Encore. Comme Elio Di Rupo en 2011, Charles Michel a évité l’impasse en cet été 2014. Sauf coup de théâtre, le président du MR aura aussi ouvert au pays une ère nouvelle : un gouvernement fédéral sans les socialistes, pour la première fois depuis vingt-sept ans (et les exécutifs Martens V, VI et VII, de décembre 1981 à décembre 1987).

Au Nord, on a donc beau rouler des mécaniques et éructer, depuis des décennies, sur « ces Wallons qui bloquent tout », les faits sont là : pour la deuxième fois en deux après-scrutins très délicats, c’est un homme du Sud qui a trouvé la solution. Pour la deuxième fois, après échec d’un Flamand. Pour la deuxième fois, celui de Bart De Wever lui-même.

Que l’issue de secours ait été trouvée un coup par le président du PS, l’autre par son homologue libéral prouve que l’art de la négociation et le sens de la stratégie ne connaissent pas de frontière idéologique mais semblent singulièrement plus développés côté francophone. L’avenir dira s’ils ne servent pas seulement, in fine, les intérêts de la Flandre ; en attendant, voilà qui encourage les Flamands, dirigeants autant qu’électeurs, à admettre, une bonne fois, que, tout majoritaires, prospères et « supérieurs » qu’ils soient, ils ne peuvent rien imaginer réaliser, à l’échelon fédéral en Belgique, sans ce qui s’apparente assez clairement à un savoir-faire propre à leurs homologues wallons et bruxellois. Comme si les premiers possédaient tous les coffres, tous les véhicules et tous les entrepôts du pays mais que les clés et les modes d’emploi étaient aux mains des seconds.

Par les temps qui courent, un peu d’humilité, d’une part, et de lucidité sur ses propres capacités, de l’autre, ne fera sûrement de mal à personne. Dans cet état d’esprit, les francophones pourraient même, à nouveau, revendiquer le poste de Premier ministre. Puisque la première famille au pouvoir fédéral est la libérale (34 sièges), au sein de laquelle le MR a beaucoup plus de poids que son parti frère, l’Open VLD. Voir Charles Michel ou Didier Reynders, par exemple, succéder à Elio Di Rupo au 16, rue de la Loi ne serait dès lors ni scandaleux, ni illogique, ni illégitime.

Ce serait encore moins anecdotique : le voeu des ténors libéraux francophones le plus cher, devenu quasi obsessionnel à force de rester pieux depuis tant d’années, tenait en une sentence : « Déplacer le centre de gravité politique en Wallonie » (et si possible à Bruxelles). Crûment dit : débarquer le PS du pouvoir. Ce n’est toujours pas le cas dans les Régions. En revanche, sauf retournement de situation invraisemblable d’ici à la formation du prochain gouvernement, ça l’est à l’échelon fédéral. Pour cinq ans. Minimum. De quoi garantir d’authentiques changements dans le quotidien des Belges. Flamands compris.

Bref, avec ou sans le poste de Premier ministre mais en prenant pour preuves la réussite de Charles Michel et les choix posés, très tôt, au niveau régional, par le PS, le CDH et le FDF – qui ont bouleversé jusqu’à la stratégie post-électorale, en Flandre, de la N-VA et du CD&V -, plus personne ne peut contester qu’en Belgique, si ce sont bel et bien les Flamands qui proposent, ce sont désormais les francophones qui disposent. On devrait bientôt pouvoir en mesurer les conséquences.

de Thierry Fiorilli

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