Walter Pauli

« La dernière bonne estimation de Steve Stevaert »

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Selon Walter Pauli, « la crainte, si pas la peur panique d’un lynchage public, a été la dernière estimation correcte de Steve Stevaert ».

Jeudi, les mauvaises nouvelles se sont accumulées. La journée a commencé par l’annonce de la comparution de Steve Stevaert devant le tribunal correctionnel pour le viol d’une femme et a fini par la découverte de son corps dans le canal Albert.

Il n’y a pas que dans les cercles politiques qu’on entend des histoires de harcèlement sexuel : tous les jours, huit plaintes pour viol sont déposées en Belgique. Pareil pour les suicides : en Flandre, on en compte trois par jour. Et pourtant on ne peut pas dissocier la fin de Steve Stevaert du contexte dans lequel il travaillait et dans lequel il a acquis sa notoriété : la politique, les médias et le cirque Bekende Vlamingen (Flamands connus).

Steve Stevaert attirait l’attention quand cela l’arrangeait et voulait qu’on le laisse tranquille quand il le souhaitait. Beaucoup de politiques aspirent à cela, mais peu d’entre eux ont aspiré aussi avidement à cette séparation entre la vie privée et publique que Steve Stevaert alors que dans son cas, cette tentative était vouée à l’échec. Chez Steve Stevaert, la vie politique et personnelle était une et indivisible. La plus grande force politique de Stevaert était sa personnalité qui s’est également révélée sa faiblesse.

Le mythe a supplanté l’homme

Dès le début de sa carrière politique, Stevaert a protégé sa vie privée. On compte les reportages sur son logement privé, sa collection d’art ou son épouse sur les doigts d’une main. En 2010, il est allé encore plus loin en renonçant à son poste de gouverneur du Limbourg. Il pensait alors que renoncer à tout mandat public et refuser les interventions médiatiques suffirait pour mener une vie relativement anonyme.

Cette stratégie s’est révélée une erreur. Moins Stevaert faisait parler de lui, plus le mystère s’épaississait et plus la rumeur enflait. Toute transaction professionnelle où l’on suspectait l’ombre de Stevaert était douteuse par définition. Après sa présidence, Ethias s’est vu accusé d’être une filiale du sp.a. Et derrière chaque décision discutable du sp.a, on voyait l’intervention de Stevaert.

C’était une spirale dont il ne parvenait plus à sortir, le mythe supplantait l’homme. Là aussi Stevaert jouait un double jeu. Il en riait vis-à-vis du monde extérieur tout en étant fier que le quotidien De Morgen le compare à Dieu. Le grand socialiste François Mitterand n’avait-il pas lui aussi été appelé Dieu ? En même temps, il savait très bien qu’il ne vivait pas comme un saint.

La crainte, si pas la peur panique d’un lynchage public inéluctable, a été la dernière estimation correcte de Steve Stevaert

C’était également une raison à sa tentative de séparer ses interventions publiques de sa vie personnelle. Steve Stevaert désirait non seulement être aimé, mais également reconnu comme politique qui aspirait au bien de la société et qui souhaitait le meilleur pour les gens et son parti. En même temps, il était assez conscient de sa (propre) humanité, ainsi que de ses erreurs et ses défauts. Il savait que tout ce que les médias pouvaient apprendre sur sa vie privée – de son compte en banque en passant par le montant de sa fortune et son état marital – était diffusé publiquement et sans aucune réserve.

Cela s’est également avéré après sa mort. Pour la vox populi, Stevaert était un violeur, procès ou pas. Même un journal de qualité l’a suggéré littéralement : « Il est difficilement imaginable que le parquet bruxellois engage des poursuites à la légère. Si l’accusation n’avait aucun fondement, un combat juridique n’aurait-il pas été plus logique qu’un acte désespéré ? » La crainte, si pas la peur panique de l’inéluctabilité d’un lynchage public, a été la dernière estimation correcte de Steve Stevaert.

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