Christine Kerdellant

La bulle du bitcoin va-t-elle exploser?

Ludovic, ingénieur en informatique, la quarantaine, une barbe de trois jours, a installé dans son garage une dizaine de gros ordinateurs en réseau qui tournent jour et nuit. Sa copine hurle, car la consommation d’électricité explose.

Ludovic est un « mineur » : c’est le nom donné à ceux qui utilisent la puissance de calcul de leurs machines pour valider les transactions effectuées en bitcoins, la fameuse monnaie virtuelle acceptée sur plus de 13 000 sites Internet… et par Richard Branson pour le paiement de ses vols spatiaux. Lorsqu’il est le premier à avoir vérifié la « clé » d’un acheteur, notre chercheur d’or numérique reçoit lui-même quelques bitcoins (ce n’est arrivé qu’une fois à Ludovic). Le jeu en vaut la chandelle : un bitcoin vaut autour de 700 euros. Il en cotait 100 il y a six mois. Un habitant d’Oslo qui en avait acheté 5 000 à son lancement, en 2009, à 0,004 euro pièce, a pu s’offrir un bel appartement l’an dernier avec la plus-value !

Le bitcoin fait la joie des spéculateurs, à condition qu’ils aient le coeur bien accroché : en 2011, il était déjà tombé de 30 à 3 dollars en quelques mois. Les gouvernements s’angoissent. Existe-t-il une bulle du bitcoin, qui pourrait exploser, comme celle des subprimes, à la figure de tous les citoyens du monde avant même qu’ils n’aient compris de quoi il s’agissait ?

D’ailleurs, de quoi s’agit-il ? Le bitcoin est une monnaie inventée, en 2009, par un Japonais baptisé Satoshi Nakamoto – un groupe d’informaticiens en réalité. Elle est virtuelle, mais bien réelle au sens où on peut la changer à tout instant en dollars ou en euros. Le bitcoin a résolu un problème jusqu’alors insoluble : on ne pouvait pas empêcher un internaute de dépenser le même argent sur deux sites simultanément.

La monnaie de Nakamoto est devenue très populaire depuis quelques mois. Peut-être à cause de la crise chypriote : la peur de voir leurs dépôts lourdement taxés aurait poussé des épargnants à les convertir en bitcoins. A la fin de janvier, l’équipe de basket de Sacramento (Californie) a demandé à être payée en bitcoins. De plus en plus de restaurants et de bars branchés l’acceptent. Une société française, Paymium, propose même aux commerçants une solution de paiement en euros qui transite par le réseau bitcoin, donc leur épargne la commission de 2 ou 3 % prélevée par la banque.

Aujourd’hui, 11 millions de bitcoins sont en circulation. A l’horizon 2035, il y en aura 21 millions. Et l’on en restera là, par construction de l’algorithme : exactement comme l’or qui s’épuise, le rythme de production de la cryptomonnaie se ralentit et s’arrêtera un jour.

Le bitcoin ne fonctionne que grâce à la confiance, mais les autres monnaies aussi. Il a ses lobbyistes prestigieux : Ben Bernanke, l’ancien patron de la Fed, a déclaré que cette « monnaie unique mondiale » fluidifiait les échanges internationaux. Il est vrai qu’elle est à l’abri des politiques monétaires laxistes des banques centrales ou des manipulations des gouvernements : contrairement au dollar ou au yen, on ne peut créer du bitcoin à l’infini. Mais les régulateurs dénoncent avec de plus en plus de force son rôle dans le blanchiment d’argent ou le trafic de drogue.

Alors le bitcoin est-il une bulle ? Pas plus – ou pas moins – que l’or, qui peut aussi s’effondrer du jour au lendemain si l’on perd confiance en lui. Des monnaies concurrentes pourraient le supplanter : Litecoin, Peercoin, Namecoin, Amazon coin… Quelques millionnaires en monnaie numérique seront alors ruinés. Question subsidiaire : si le bitcoin s’effondre, l’économie mondiale plongera-t-elle à nouveau dans la crise, par ricochet, comme en 2009 ? Assurément non, puisque le système bancaire n’est pas dans le coup. Pour une fois que les banquiers ne seront pas coupables…

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