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La Belgique qui vit du ciel

L’économie belge trinquerait sans avions. Mais notre ciel n’est plus très belge.

Plus d’avions dans le ciel belge, une catastrophe nationale ? Au niveau emploi, indubitablement. En matière de recettes, c’est l’étranger qui trinquera dans la mesure où, depuis longtemps déjà, les Belges ont vendu leur ciel au plus offrant. Même Brussels Airlines, modeste survivant de notre défunte Sabena, deviendra sans doute allemande après 2011. En 2008 en effet, SN Holdings, maison mère de notre unique compagnie aérienne nationale, permettait à Lufthansa de prendre, dans un premier stade, une participation stratégique de 45 % dans le capital de la société et, dans un deuxième, lui offrait l’intégralité de son capital. L’Europe ayant donné son feu vert à l’opération, les dés sont définitivement jetés. SN Holdings, c’est, en chiffres ronds, 3 000 travailleurs et 52 avions, dont 7 en propriété. Constituée dans les années 1990 avec l’ambition de devenir « compagnie flamande », la Vlaamse Luchtmaatschappij (VLM) appartient aujourd’hui au groupe Air France KLM.

D’autres compagnies aériennes ont, depuis, jeté l’ancre chez nous, telle TUI Airlines qui pratique l’intégration verticale au départ des Jetaircenters et des agences Nouvelles Frontières, dont le groupe a maillé notre pays. Ou encore Thomas Cook Belgium, dont les 6 Airbus desservent essentiellement les pays de la Méditerranée, La première est allemande, la seconde britannique. TUI Airlines transporte près de deux millions de passagers par an, Thomas Cook Airlines, la moitié. Ensemble, ces deux compagnies occupent près de 800 personnes. Ne reste finalement belge dans notre ciel qu’Abelag. Spécialisée en voyages d’affaires, la compagnie exploite une vingtaine de jets et a pour actionnaires principaux les familles Boël et Colruyt.

Au sol, à Bruxelles-National, le traitement des bagages est assuré par Flightcare, une filiale du groupe espagnol FCC. Son concurrent est Aviapartner, un authentique miraculé. Fin 2008, la société, alors propriété du fonds d’investissement britannique 3i, se trouvait au fond du gouffre avec une perte de 83 millions d’euros et une dette trois fois plus élevée. Liquider, redresser ? 3i qui vient de revendre avec profit une entreprise (ABX), que la SNCB n’est jamais parvenue à valoriser, opte pour la seconde solution. Banquiers, personnel et actionnaires : tous sont invités à se serrer la ceinture. Un manager de crise, Laurent Levaux, est embauché. Miracle : les pertes cessent d’être récurrentes, de nouveaux investisseurs se manifestent. L’entreprise revit et redevient même belge !

Notre principal aéroport, en revanche, ne l’est plus depuis un moment déjà. Les trois quarts en ont été cédés au groupe australien Macquarie. Une bonne affaire. En 2008, année record, 18,5 millions de voyageurs, dont une moitié soumis à la taxe, ont transité par Zaventem. Deuxième aéroport du pays, Charleroi est lui aussi en voie de privatisation. Le groupe italien SAVE pourra, en deux temps, devenir actionnaire à 49 % de BCSA, société qui exploite l’aéroport de « Bruxelles Sud ». L’Aéroport de Paris détient, de son côté, une participation de 25 % dans le capital de Liège Airport où les activités charter commencent à décoller, grâce à Jetair.

Ce groupe, aujourd’hui filiale du géant allemand TUI, domine largement le marché belge du tourisme aérien, devant son éternel rival, le Britannique Thomas Cook. Son origine remonte aux années 1950, lorsque l’Ostendais Gérard Brackx découvre l’intérêt du tourisme de masse. En quelques décennies, il fait de Jetair le plus grand tour-opérateur de vacances en avion du pays et fait découvrir à nos compatriotes les charmes d’un lieu à l’époque inconnu : Benidorm. Une authentique business story qui a commencé dans un bus de seconde main et prend fin en 1996 avec l’arrivée des Allemands. Egalement très actif sur le marché belge des vacances : CVWT Belgium. Ses racines sont liégeoises et remontent au temps où un certain Georges Nagelmaekers inventait les wagons-lits. CWT est aujourd’hui américain et leader mondial du voyage d’affaires. Baséà Anvers, le Hollandais BCD Travel Belgium cible également ce marché, tout comme American Express Corporate. Dans ce ballet étranger, les 28 travel-shops de Connections-Eurotrain, seul acteur belge dans le peloton de tête, ne pèsent pas très lourd.

Touristes, hommes d’affaires, marchandises Avec TNT, DHL, UPS et autres Federal Express, notre pays est devenu une plaque tournante du transport aérien de marchandises. Ici également, la domination étrangère est totale. On peut certes s’interroger sur la rationalité de faire venir par avion des fleurs coupées d’Afrique ou le degré d’urgence de certaines marchandises acheminées par voie aérienne. Il n’en demeure pas moins que sans avions nombre d’usines dans le monde s’arrêteront faute de matériel ou de pièces de rechange. Produire implique en effet la manutention de matières premières ou de produits finis de sorte qu’un des engins les plus répandus dans toutes les entreprises du monde est le chariot élévateur. Et pour une fois, ne dissimulons pas notre fierté, un des leaders en ce domaine est belge. C’est la société flamande TVH, raison sociale forgée au départ du nom de ses fondateurs qui tous deux se prénommaient Paul, Termote et Vanhalst. Fin des années 1960, les deux compères se lancent dans la commercialisation et l’entretien de vieux chariots élévateurs militaires. Quatre décennies plus tard, l’entreprise vend toujours des chariots élévateurs mais est entre-temps devenue un des principaux fournisseurs mondiaux de pièces de rechange avec plus de 20 000 clients actifs dans 162 pays. L’entreprise occupe aujourd’hui 2 200 personnes, dont une bonne moitié dans notre pays et a bâti sa réputation sur la livraison dans les 24 à 48 heures de la pièce de rechange nécessaire n’importe où dans le monde, ce qui sans avions devient évidemment une mission impossible.

Plus d’avions ? Restent le rail et la route. Un mouvement dont les principaux bénéficiaires seront notre SNCB et la… SNCF. Cette dernière est en effet omniprésente dans notre pays via Eurobus Holding (EBH), ce que semblent ignorer les responsables de cette société. « EBH est majoritairement belge et vraiment belge », affirme aujourd’hui encore, en ouverture, le site Internet du groupe. Ignorent-ils donc qu’en janvier 2008 le groupe français Keolis, contrôléà 57 % par la SNCF, a porté de 11 % à 71 % sa participation dans Eurobus Holding ? Le solde est détenu par la Région wallonne. Eurobus Holding, c’est 112 millions de chiffres d’affaires et 43 filiales dont les bus sillonnent en permanence nos routes. Parallèlement, Keolis a acquis la totalité du pôle flamand d’Eurobus et, pour éviter toute ambiguïté, l’a rebaptisé Keolis Vlaanderen. Où la Belgique à deux vitesses ne va-t-elle pas se nicher ! ANTONIN FouRQUET

Antonin Fourquet

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