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La Belgique condamnée : Taxquet n’a pas eu droit à un procès équitable

La Cour européenne des droits de l’homme a condamné mardi en appel la Belgique dans le dossier Taxquet, lui réclamant de prévoir des garanties procédurales au cas où le jury populaire ne motive pas les verdicts de culpabilité, et dénonçant l’absence d’un degré d’appel après l’arrêt d’assises. Les avocats de Richard Taxquet vont saisir la cour de cassation.

La cour a jugé que Richard Taxquet, condamné à 20 ans de prison pour participation à l’assassinat du ministre d’Etat André Cools et tentative d’assassinat de la compagne de ce dernier en 1991, n’avait pas bénéficié de garanties procédurales suffisantes pour lui permettre de comprendre le verdict de culpabilité rendu à son encontre.

Elle a donc condamné la Belgique à verser à Richard Taxquet 4.000 euros de dommage moral, en plus des frais et dépens.

Pour autant, la cour ne remet pas en cause l’institution du jury populaire ni même l’absence de motivation du verdict, dès lors que cette absence est encadrée de garanties procédurales permettant une bonne compréhension du verdict pour le condamné et le public.

Le premier arrêt Taxquet, contre lequel l’Etat belge avait interjeté appel, avait entraîné une réforme de la cour d’assises qui, précisément, impose désormais de motiver le verdict de culpabilité.

Dans les jurys traditionnels, les magistrats professionnels ne peuvent participer aux délibérations sur le verdict. La cour européenne ne remet pas en cause cette volonté « légitime » d’associer les citoyens à l’action de la justice.

Il ne lui appartient pas non d’uniformiser les différents systèmes juridiques d’Europe, relève-t-elle. Dès lors, elle ne peut non plus remettre en cause l’institution du jury populaire.

En soi d’ailleurs, l’absence de motivation du verdict d’un jury populaire ne viole pas le droit de l’accusé à un procès équitable, dit la Cour. Mais des garanties suffisantes doivent exister pour permettre à l’accusé et au public de comprendre ce verdict.

« Ces garanties procédurales, explique la Cour, peuvent consister par exemple en la fourniture aux jurés par le président de la cour d’assises d’instructions ou d’éclaircissements quant aux problèmes juridiques posés ou aux éléments de preuve produits. »

Ce peut être aussi la présentation au jury, par le président de la cour, « de questions précises, non équivoques ».

Or, dans le cas Taxquet, ni l’acte d’accusation ni les questions posées au jury ne comportaient des informations suffisantes quant à son implication dans les faits reprochés.

Ainsi, l’acte d’accusation ne démontrait pas quels éléments pouvaient être retenus contre l’intéressé.

Les questions posées au jury étaient « laconiques » et identiques pour tous les accusés, dénonce la cour. « Elles ne se référaient à aucune circonstance concrète et particulière qui aurait pu permettre au requérant de comprendre le verdict de condamnation », ajoute la Cour.

Enfin, le système belge ne prévoit pas la possibilité d’interjeter appel de l’arrêt d’assises, déplore la cour de Strasbourg, ouvrant ainsi la porte à une nouvelle réforme de la cour d’assises en

Belgique.

Richard Taxquet va se pourvoir en cassation Les avocats de Richard Taxquet, Mes Luc Misson et Julien Pierre, vont saisir la cour de cassation à la suite de l’arrêt en appel de la Cour européenne des droits de l’homme. « Il est évident qu’avec les quatre questions laconiques auxquelles ont dû répondre les jurés, il était impossible de savoir exactement pour quelles raisons M. Taxquet était condamné. Aujourd’hui encore, M. Taxquet ignore ces raisons », a indiqué Me Julien Pierre.

M. Taxquet n’a pas été jugé de manière légale et doit donc être considéré comme étant présumé innocent, souligne Me Misson. A ses yeux, « les dégâts moraux engendrés par son emprisonnement ne pourront jamais être effacés ».

Les avocats vont saisir la Cour de cassation afin qu’elle casse le jugement de la cour d’assises et que le casier judiciaire de Richard Taxquet redevienne vierge. « Une faute a été commise et pour cette raison, nous demanderons évidemment des dommages et intérêts à l’Etat », a ajouté Me Julien Pierre.

Si aux yeux de Mes Luc Misson et Julien Pierre, l’organisation d’un nouveau procès semble très compliquée voire impossible, Richard Taxquet, pour sa part, se dit capable moralement d’affronter un nouveau procès. « Si c’était le cas, je me défendrais d’une autre manière et je ne subirais plus le décorum de la cour d’assises », a-t-il conclu.

Le Vif.be, avec Belga

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