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La Belgique condamnée à Strasbourg dans un arrêt sans précédent

La Cour européenne des droits de l’Homme a condamné vendredi la Belgique pour l’expulsion d’un Afghan vers la Grèce, où les conditions d’accueil des demandeurs d’asile sont déplorables.

C’est la première fois que la Cour condamne une expulsion effectuée en vertu du règlement Dublin II, qui prévoit que les demandes d’asile sont examinées dans l’Etat membre par lequel un candidat-réfugié a pénétré dans l’Union.

Le plaignant a fui Kaboul en 2008, après avoir été, selon ses dires, menacé par les talibans en raison de son métier d’interprète pour les troupes étrangères basées dans la capitale afghane. Il est arrivé en Belgique après un long voyage, qui l’a fait traverser l’Iran, la Turquie et la Grèce. Fin 2009, l’Office des étrangers lui a fait savoir qu’il devait introduire sa demande en Grèce, conformément aux règles Dublin II.

L’homme a tenté de s’opposer à cette décision, faisant valoir que l’accueil des candidats-réfugiés n’était pas conforme aux standards internationaux en Grèce. Les autorités grecques peinent en effet à gérer les flux migratoires. Les conditions d’accueil ont été dénoncées à maintes reprises par les organisations internationales.

La Belgique l’a néanmoins expulsé vers Athènes, où il a été incarcéré avant de vivre dans la rue sans moyens de subsistance. Il a essayé de quitter une nouvelle fois le pays au moyen d’une fausse carte d’identité, mais il a été arrêté et à nouveau incarcéré. Il affirme avoir été frappé par la police. L’homme se trouve actuellement en Grèce, sans logement.

Il a intenté un recours contre la Grèce, mais aussi contre la Belgique pour violation de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour lui a donné raison sur toute la ligne.

Si la Cour reconnaît la difficulté d’accueillir le nombre important de demandeurs d’asile, elle souligne que cette situation n’exonère pas la Grèce de respecter ses obligations internationales, et notamment l’article 3 de la Convention interdisant les traitements inhumains ou dégradants.

Or, la Cour estime que sa détention et la brutalité policière, confirmée par plusieurs témoins, ainsi que l’assistance insuffisante qui lui a été fournie, violent l’article 3.

Athènes a dès lors été condamnée à verser au requérant 1.000 euros de dommage moral et 4.725 euros de frais de procédure.

La Belgique a elle aussi été condamnée pour violation du même article. Les autorités belges auraient dû savoir que les conditions d’accueil du demandeur d’asile seraient non-conformes aux standards minimaux en Grèce et, dès lors, ne pas l’expulser. La Cour estime par ailleurs que la Belgique n’a pas offert au plaignant une possibilité de recours effectif, comme le prévoit la Convention (article 13).

La Belgique a donc été condamnée à lui verser 24.900 euros de dommage moral et 7.350 euros de frais de dépens.

L’arrêt pourrait faire jurisprudence. De nombreux pays européens se prévalent en effet des règles Dublin II pour renvoyer vers la Grèce des demandeurs d’asile jugés indésirables. Près d’un millier d’affaires relatives à l’application de Dublin II dans plusieurs pays sont pendantes devant la cour de Strasbourg.

Le Vif.be, avec Belga

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