Olivier Bierin

La Belgique à quatre Régions, une nécessité démocratique

Olivier Bierin Chercheur-associé chez etopia

Dans un sondage sur l’espace démocratique wallon commandé par le Parlement de Wallonie en 2015, la question suivante était posée :  » Quelles sont les compétences de la Région wallonne ? « . La réponse la plus courante fut l’enseignement.

Cet exemple peut paraître anecdotique, mais il symbolise en réalité la complexité très importante des institutions belges. Bien entendu, celles-ci sont le fruit de compromis historiques et d’une situation politique bien particulière. Mais cela ne doit pas nous empêcher de les remettre en question, et de débattre de modèles plus efficaces et plus démocratiques, en particulier dans un contexte où la fracture entre citoyens et élus prend des proportions inquiétantes.

Les idées de Belgique à quatre Régions ou de régionalisation de l’enseignement sont revenues au-devant de la scène ces derniers mois. Les personnalités politiques qui portent ce débat envisagent dans la plupart des cas la régionalisation dans un but utilitariste, afin de mettre l’enseignement au service de l’économie. Selon nous, il s’agit d’une erreur. Au contraire, toute réforme doit viser à soutenir des projets mobilisateurs pour Bruxelles, la Wallonie et la Communauté germanophone, mais ces projets ne seront enthousiasmants que si ils placent l’économie au service de la culture et de l’émancipation, et non l’inverse. Comme la Flandre l’a fait dès les premières réformes institutionnelles, il faut mettre au diapason les réalités culturelles, économiques et démocratiques, en permettant aux Wallons, aux Bruxellois et aux Germanophones de prendre leur destin en main.

A l’opposé du prisme régionaliste, certains partisans du maintien de la Fédération Wallonie-Bruxelles estiment qu’il s’agirait là d’abandonner Bruxelles à son sort, sans capacité de financer correctement son enseignement. Nous pensons au contraire que c’est le statu quo qui est intenable à terme pour la Fédération, et qu’un modèle à quatre Régions pourrait et devrait être pensé afin d’investir en suffisance dans l’enseignement. La capacité des Régions à lever l’impôt peut également y contribuer. En sus, ce modèle pourrait remédier à l’injustice qui subsiste à Bruxelles (3e région européenne en PIB par habitant!) dans la répartition actuelle de l’impôt entre lieu de domicile et de travail, malgré le refinancement de la Région bruxelloise. En parallèle, il n’est pas interdit d’envisager la refédéralisation de certaines compétences, si l’évaluation de la 6e réforme de l’État le justifie, ainsi que la mise en place (enfin!) d’une circonscription fédérale.

La crainte de la réouverture de ce type de débat en raison d’éventuelles demandes flamandes nous apparaît par contre irrecevable, car il mène à la paralysie. De plus, les francophones n’ont a priori aucune influence sur l’existence et le contenu de ces demandes, et la tactique de n’être « demandeurs de rien » a déjà été expérimentée par le passé, sans résultats probants. Par contre, préparer de façon sereine une nouvelle architecture belge, en accord avec les partis flamands de bonne volonté, pourrait s’avérer une tactique gagnante face à la NVA.

Aux arguments précédemment évoqués, et en lien avec le manque de lisibilité mis en avant dans notre introduction, nous souhaitons ajouter un élément peu entendu dans les débats sur la régionalisation, celui de la simplification et de la participation. Si nous souhaitons qu’un maximum de citoyens s’impliquent dans le débat public, et puissent suivre de façon suffisamment informée les enjeux démocratiques qui se posent à eux, une simplification maximale de nos institutions est nécessaire. Il ne s’agit pas de mépris élitiste ou technocratique, au contraire, et en caricaturant quelque peu, il est inacceptable que les enjeux démocratiques nécessitent presque un doctorat en droit constitutionnel pour être suivis. Une Belgique à quatre Régions ne suffira bien entendu pas à elle seule à rendre le débat public plus intelligible, mais cela peut constituer une étape, et une occasion de revoir le fonctionnement de notre démocratie.

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