Carte blanche

L’université, « paysage » sans couleurs ?

C’est un vieux combat que les représentants étudiants mènent à Bruxelles et Louvain. Il s’agit de l’accessibilité des études. A tous.

C’est un combat vieux comme l’université. Elle ne fut longtemps accessible qu’aux rejetons mâles des familles huppées. Les premiers boursiers des classes ouvrières débarquèrent après la Première Guerre mondiale. Les femmes, sauf exceptions, durent attendre la Seconde. Les Congolais arrivèrent – quel paradoxe – avec la décolonisation.

Aujourd’hui, marche arrière : il est question de renvoyer les étudiants étrangers chez eux. Non, ne poussez pas des cris d’orfraie : c’est bien de cela qu’il est question, car seule une petite minorité sera capable de payer un minerval fixé aujourd’hui à 4175 euros et susceptible légalement d’être porté à 12.525 euros. C’est contre cette mesure, demandée par les recteurs, que les étudiants se mobilisent pour le moment à Louvain-la-Neuve et Bruxelles.

On nous répète à l’envi que le monde est un village. Il l’était déjà quand l’Occident colonisait l’Asie et l’Afrique. Mais aujourd’hui c’est « chacun chez soi ». Sans doute, le climat de terreur qui règne est-il propice à renforcer chez nous l’esprit de clocher. Mais tâchons de dépasser les peurs que l’on s’efforce de nous inoculer. Pourquoi fermer les frontières du savoir ? Cela coûte ? Certes. Mais ne pouvons-nous faire peser ce coût sur les épaules de tous ?

On vous dira que les problèmes structurels liés au manque de financement de l’enseignement supérieur sont insolubles. On vous dira que le politique doit prendre ses responsabilités et que le budget de l’État passe avant tout. Mais, le rôle des politiques est de définir les priorités. Tout ne se résulte pas à l’équilibre budgétaire. Et même l’équilibre budgétaire se réalise de différentes façons. Ce que nous voudrions, c’est qu’il ne se réalise pas au détriment des plus faibles, ni de la diversité culturelle.

Car ce que nous laisse présager l’application du « décret paysage » Marcourt, c’est un horizon monochrome. Au Moyen-Age, l’université avait un caractère cosmopolite fort. Malgré de lourdes contraintes sociales, aggravées par la faiblesse des moyens de transport, les étudiants ont pu tirer parti des faiblesses de la « territorialisation » nationale, de la perméabilité des frontières, de conceptions universalistes et de l’existence d’une langue de communication commune (le latin). Sommes-nous retombés plus bas que le Moyen-Age ?

Nous nous rappelons quant à nous que certains de nos apprentissages les plus enrichissants ont été le fait de rencontres avec des étudiants d’autres continents. Quelle perte si les générations montantes étaient privées de ces expériences de vie !

Et nous voudrions mettre les autorités académiques en garde contre la tentation d’appliquer une stratégie pusillanime, en jouant (comme souvent) sur l’esprit de clocher des étudiants, le caractère éphémère de leur passage à l’université, l’approche des examens.

C’est pourquoi nous appelons à une renégociation entre toutes les parties – Universités, Communauté Wallonie Bruxelles, Coopération au développement – pour maintenir le minerval des étudiants étrangers à leur ancien niveau (2700 euros tout de même).

Aux représentants étudiants actuels qui portent haut les couleurs du mouvement étudiant et à tous ceux qui aujourd’hui, dans les auditoires et les rectorats, se battent pour un « paysage coloré », pour la cause de l’égalité des chances et de la solidarité : nous disons notre soutien et notre amitié.

Benjamin Peltier – Président de l’Assemblée Générale des étudiants de Louvain

(AGL) 2008-2009

Marc Magnery – Président AGL 2009-2010

Aurélien Hachez – Président AGL 2010-2011

Thomas Moreau – Secrétaire général AGL 2009-2011

David Mendez-Yepez – Co-Président AGL 2011-2012

Antoine Saint-Amand – Co-Président AGL 2011-2012

Corentin Lahouste – Co-Président AGL 2012-2013

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