Safet Rustemi © Most wanted Belgium

L’un des criminels les plus recherchés de Belgique a simplement été expulsé hors du territoire

Muriel Lefevre

L’Office des étrangers a rapatrié un véritable gangster en Albanie alors qu’il est impliqué dans plusieurs procès en Belgique. Plus hallucinant encore, Safet Rustemi est sur la liste des hommes les plus recherchés par la police. Theo Francken rejete sur la justice et la police la responsabilité de l’expulsion.

Safet Rustemi, un Albanais de 33 ans, vient d’être ajouté à la liste des « Belgium’s most wanted », soit la liste des criminels les plus recherchés de Belgique. Il a été repris dans cette liste suite à sa condamnation en janvier 2017 à une peine de 9 ans d’emprisonnement par la cour d’appel de Bruxelles. Une autre procédure pénale était également en cours pour trafic de drogue, tentative de meurtre, extorsion, etc. selon la Dernière Heure. Ironie de l’histoire, la Belgique est donc à la recherche d’un homme que l’État belge, via l’Office des étrangers, a escorté hors des frontières il y a un peu plus d’un an.

Pas de titre de séjour

Si l’Office des étrangers confirme l’expulsion de Safet Rustemi en juin 2017, il précise cependant qu’à l’époque, le prévenu était en liberté et qu’il n’avait aucun titre de séjour. « Safet Rustemi a été condamné une première fois en 2015 puis une seconde fois en 2017, selon les informations que nous avons dans son dossier, et à chaque fois il a été libéré contre une caution de 25.000 euros. Mais il n’avait pas de titre de séjour en Belgique », a expliqué Dominique Ernould, la porte-parole de l’Office des étrangers. « En 2015, Safet Rustemi a reçu un premier ordre de quitter le territoire, mais il n’est jamais parti, puis un deuxième… En juin 2017, il a donc été éloigné des frontières belges sous escorte policière, avec interdiction de se rendre à nouveau en territoire belge pendant trois ans. Nous, nous occupons uniquement de sanctions administratives relatives au séjour illégal », précise encore Dominique Ernould.

Une famille connue de la justice

Pourtant la famille Rustemi n’est pas inconnue des autorités et a même une réputation sulfureuse. Elle était à la tête d’un réseau de prostitution dans le quartier de l’Alhambra à Bruxelles. Elle est impliquée dans de nombreux règlements de comptes et a importé d’importantes quantités de cocaïne via les Pays-Bas pour la revendre en Belgique. La police, loin d’être inactive, a, à plusieurs reprises, coincé les frères Rustemi.

Safet n’est en effet pas le seul de la fratrie à avoir été rapatrié. Bardhyl Rustemi a été rapatrié en Albanie en janvier 2017. Et lorsque le frère aîné, Siad Rustemi, a purgé sa peine, il sera également renvoyé en Albanie. « Presque tout le Code pénal y est passé », dit Sven Mary, avocat de l’un des frères dans De Morgen. « Extorsion, formation de gangs, trafic d’être humain et tentative d’homicide involontaire, etc. » Et tout cela sans titre de séjour.

Ce qui est plus surprenant dans le cas de Safet Rustemi, c’est qu’il doit encore purger ses peines dans notre pays. C’est vrai qu’il n’a pas fait l’objet d’une arrestation immédiate à suite à sa condamnation. Son avocat, Sven Mary, avait en effet introduit un recours en cassation et le juge a statué que Rustemi pouvait rester libre dans l’intervalle. Une clémence qu’il doit au fait qu’il avait comparu à toutes les audiences.

Ce n’est pourtant pas la seule affaire à laquelle l’homme est mêlé. Il existe un autre mandat d’arrêt pour une affaire de drogue. Dans cette affaire, la Chambre des mises en accusation a jugé, en juin 2017, sa détention provisoire. Elle va pourtant déclarer que Rustemi était libre s’il restait à la disposition du tribunal. Pour sortir, Rustemi va devoir néanmoins payer une caution de 25 000 euros.

À ce moment, le tribunal informe l’Office des étrangers que Rustemi, sans permis de séjour, avait été libéré. Rustemi avait déjà reçu l’ordre de quitter le territoire par le passé et il va être amené dans un centre fermé. Son rapatriement à Tirana sera effectif le 14 juin 2017. « Personne n’a jamais demandé que l’on mette Rustemi à la disposition du tribunal », précise le porte-parole de l’office des étrangers.

Depuis lors, son appel en cassation a été rejeté et Safet Rustemi a été condamné par contumace pour l’affaire de drogue. « Comment peut-il être présent à chaque session -comme le demande le tribunal – si le Département de l’immigration l’a expulsé en Albanie? » dit Mary. « En réalité, c’est à cause de l’Office des étrangers que Rustemi ne peut et ne doit pas purger sa peine. », dit encore Sven Mary.

« Nous avons accès à la base de données de la justice, mais l’accès est limité, nous ne pouvons consulter que les casiers judiciaires, de sorte que nous voyons des condamnations effectives », dit le porte-parole de l’office des étrangers. Des sources au sein de la justice précisent pourtant que la base de données indique également si la peine d’emprisonnement est déjà active, mais cette case n’était pas cochée à cause de la procédure d’appel. « À ce moment-là, quelques alarmes auraient dû se déclencher, non ? » se demandent ces mêmes sources.

« Les procédures pour l’expulsion du criminel albanais ont été suivies »

L’office des étrangers relève de l’autorité du secrétaire d’État Theo Francken (N-VA). Le secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration Theo Francken a rejeté mercredi sur la justice et la police la responsabilité de l’expulsion. « Je n’ai reçu aucun signalement le concernant de la part de la justice ou de la police », a justifié M. Francken (N-VA) sur les ondes de Radio 1. « Nos services ont suivi toutes les procédures », selon lui. « Nous faisons cela avec les criminels qui sont illégalement sur le territoire », a expliqué M. Francken en radio, avant de renvoyer la responsabilité à la police et la justice qui n’ont pas signalé la nouvelle condamnation à ses services. Ces derniers ignoraient donc que l’individu était recherché.

Plus tôt, le secrétaire d’État Theo Francken (N-VA) avait tweeté: « Pas d’arrestation immédiate, aucun signe de la justice, illégal dans le pays, criminel, donc dehors. C’est comme ça que nous traitons les immigrants illégaux et criminels. Rapide et efficace ».

La Dernière Heure a retrouvé la trace du most wanted

Le quotidien La Dernière Heure a retrouvé la trace de Safet Rustemi sur les plages de Velipojë, proche de Shkodër, dans le nord de l’Albanie. C’est aussi une destination prisée et chic au bord de l’Adriatique. Il y exploite le Velipojë beach, 620 lits de plage et chaises longues. Ce week-end, d’ailleurs, le criminel le plus recherché de Belgique a été aperçu en plein centre de Shkodër, à la terrasse d’un café précise le quotidien. Il aurait été repéré dans la discothèque avec le nom approprié ‘Evasion’. Toujours selon la DH, Shkodër, serait la nouvelle Palerme et aux mains de cinq familles, « Cinq clans « à la sicilienne ». Avec le bast (les paris sportifs), la drogue et la prostitution, le contrôle des plages privées est une de leurs sources de revenus ». La Dernière Heure précise encore que les enquêteurs pensent que Rustemi est également impliqué dans deux disparitions inquiétantes.

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