Philippe Maystadt

L' »OffshoreLeaks » servira-t-il d’électrochoc ?

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

Que retenir des révélations de la gigantesque fuite de données informatiques issues de paradis fiscaux ? Que le vrai coup de balai ne pourra être que global. Et donc que tous les pays du G-20 poussent dans la même direction.

Une grande croisade contre les paradis fiscaux avait été lancée en 2009, au plus fort de la crise financière, au G-20 de Londres où le président Obama, la chancelière Merkel et le président Sarkozy avaient fait assaut de déclarations musclées. Dans la foulée, des paradis fiscaux ont été contraints d’entrouvrir leurs portes et d’établir des conventions avec d’autres pays dans lesquelles ils s’engageaient à lever leur secret bancaire en cas d’enquêtes de la justice ou du fisc de pays tiers. En particulier, la pression américaine sur la Suisse a produit des résultats. En mars 2009, le gouvernement suisse a pris la décision historique de lever le secret bancaire à la demande d’une autorité fiscale étrangère. Ce qui a d’ailleurs eu pour conséquence que, ce même mois de mars 2009, des intermédiaires financiers établis en Suisse ont créé des filiales aux Seychelles et à Singapour pour y transférer les avoirs non déclarés de leurs clients (parmi eux, l’ancien ministre français Cahuzac). D’où une première leçon : pour être pleinement efficace, la lutte contre les paradis fiscaux doit être la plus globale possible.

A plusieurs reprises, la Commission européenne a proposé aux Etats membres de lutter ensemble contre les paradis fiscaux. En décembre 2012 encore, elle leur a soumis un plan d’action qui comprend deux recommandations. Mais ce ne sont que des recommandations non assorties de sanctions : en matière d’évasion fiscale, les Etats membres n’ont pas donné à la Commission les mêmes pouvoirs qu’en matière de discipline budgétaire ! Ce plan n’avait guère retenu l’attention des Etats membres ; les ministres des Finances n’en avaient même pas discuté. A cet égard, l’ « OffshoreLeaks » a déjà eu un effet bénéfique : le point a été rajouté d’urgence à l’ordre du jour du dernier Ecofin et le président Van Rompuy a déjà annoncé qu’il figurerait à l’ordre du jour du Conseil européen de mai.

La première recommandation de la Commission vise à amener les pays tiers à appliquer des normes minimales en matière de transparence et d’échange d’informations. Les Etats membres sont invités à publier des listes noires des pays qui ne respectent pas ces normes minimales et avec lesquels il est interdit de traiter. L’idéal serait évidemment que les Etats membres se mettent d’accord sur une liste noire commune ! La seconde recommandation concerne la planification fiscale agressive qui joue sur les incohérences entre systèmes fiscaux, par exemple la double déduction ou la double non-imposition. Il est recommandé aux Etats membres d’adopter une approche commune, notamment une clause anti-abus qui soit la même pour tous.

Depuis l’ « OffshoreLeaks », quelques progrès ont déjà été accomplis. Ainsi, le Luxembourg a enfin accepté une levée partielle du secret bancaire. Mais il est clair que le véritable coup de balai ne pourra être que global, ce qui implique que tous les pays du G-20 poussent effectivement dans la même direction. Or la moitié des paradis fiscaux sont sous pavillon britannique et servent de rabatteurs de capitaux pour la City. L’argent collecté offshore est géré par des établissements financiers situés dans la capitale britannique. Grâce à ce réseau, la City a pu faire fructifier en toute discrétion les fonds d’industriels allemands, d’oligarques russes, de despotes africains, d’armateurs grecs…. Au-delà des belles déclarations d’intention, quelle sera la véritable politique du gouvernement de Sa Majesté ? That’s the question !

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