© Thomas Lerooy, "James", 2017. Photo Jo Exelmans. C de l'artiste.

L’oeuvre de la semaine: To be or not to be…

Guy Gilsoul Journaliste

Hamlet nous a prévenus: « C’est la question ». Mais cette fois, tout dérape. Un enfant a pris la place du héros de Shakespeare. Un enfant tout en bronze sombre, façon statuomanie plaisante du XIXe mais un enfant à la tête de mort grimaçante telle qu’on en voit dans les églises du baroque.

Or, c’est bien elle qui tient celle qu’on attendait et à qui, double en miroir, l’interrogation est adressée. Une tête d’enfant dont le visage joufflu et les cheveux bouclés ne sont pas sans évoquer les putti moqueurs de la Renaissance, ces ambassadeurs du désir et de l’envol heureux. La question s’est donc déplacée, elle a pris le contrepied de la pensée convenue. La « vanité » a changé de camp mais s’étire en mêlant les siècles et les manières.

Le bronze sombre de l’académisme auquel la bourgeoisie associait le bon goût. La tête de mort des élans mystiques dont la religion fit ses choux gras ou encore les putti de l’humaniste nourri aux idéaux antiques. Bref, des cibles dénonciatrices de ce qui, hier, fit obstacle à l’ouverture des esprits, à l’aventure, à la vie. « To be or not to be ». Que répondre? Que faire?

Dans ce désespoir qui anime Hamlet, Shakespeare termine la tirade célèbre par ces mots : « Mourir, dormir. Rêver peut-être ». Rêver pour imaginer, élargir l’esprit comme le propose dans cette sculpture Thomas Lerooy qui n’a jamais été un élève modèle, discipliné, adepte des lignes droites et des affirmations.

Depuis l’enfance, l’artiste flamand dessine en tous temps et en tous lieux sur tout ce qu’il trouve au grand dam de ses parents et de ses professeurs. Et ses dessins comme ses bronzes l’emmènent ailleurs, dans un monde plus ouvert où la contradiction, le paradoxe et les inconciliables sont de mise. Mais ce serait insuffisant d’évoquer pour ce faire le seul recours aux citations et aux métaphores. Car il n’y a pas de drame chez l’artiste flamand mais plutôt le rire à la James Ensor. Un détail parfois suffit pour ramener le propos au bon sens populaire et d’ajouter, dans cette oeuvre titrée « James » (Tiens tiens !), ce petit sexe dressé qui aussitôt évoque celui d’un autre, héros d’une culture de la révolte, le Manneken-pis.

Dans la mystérieuse bibliothèque du château de Gaasbeek où l’oeuvre a pris place, d’autres petits personnages du même type cabriolent et caracolent. Ils sont la mort joyeuse à laquelle, d’autres sculptures déposées dans les chambres les couloirs, voire jusque dans la salle de bain aux miroirs, répondent.

Des oeuvres auxquelles donnent la réplique un ensemble de gravures de Félicien Rops alors que, parmi les meubles et les tableaux anciens, les fantômes des anciens habitants comme le comte d’Egmont et la marquise Arconati Visconti, nous posent à leur tour la grande question de la vanité.

Lennik. Château de Gaasbeek. Kasteelstraat 40. Jusqu’au 10 juin. Tous les jours sauf lundi, de 10h à 18h. www.kasteelvangaasbeek.be

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